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L'analyse linéaire

L'explication linéaire, texte officiel ( Eduscol)

L’EXPLICATION LINÉAIRE

Qu’est-ce qu’expliquer? Expliquer, c’est d’abord rendre compte de sa lecture. À la différence du commentaire érudit du spécialiste ou de l’enseignant (qui vise à une analyse experte du fonctionnement du texte et suppose un appareillage technique élaboré), mais aussi à la différence du jugement de goût du critique littéraire (qui vise à l’expression d’un sentiment ou d’une évaluation), l’explication de texte au lycée a pour enjeu de former de suffisants lecteurs, autrement dit des lecteurs devenus conscients de la façon dont ils reçoivent les textes et par là capables d’en entendre et d’en restituer, avec plus ou moins de précision et de finesse, la singularité. En ce sens, la valeur de l’explication de texte comme exercice scolaire se trouve dans une explicitation des opérations de lecture souvent inconscientes que chaque lecteur accomplit par le fait même de lire. L’explication scolaire du texte est ainsi à envisager comme prolongement et même accomplissement du geste de lecture. Lire c’est en effet, dans le mouvement continu qui avance d’un mot à l’autre et réajuste constamment les hypothèses de sens que le lecteur forme au fur et à mesure, mettre en relation des éléments qui construisent une continuité plus ou moins longue, ou une série plus ou moins complète, et parvenir ainsi à une compréhension de l’ensemble, dont ce lecteur peut rendre compte de façon plus ou moins nuancée. Il n’y a donc pas lieu de distinguer fondamentalement la compréhension et l’interprétation : tout lecteur qui avance dans un texte opère entre les mots, les phrases, les paragraphes, des relations qui font sens, il leur prête sens en leur portant attention ; la compréhension résulte ainsi d’une progressive interprétation, qui supplée par là, le plus souvent, l’ignorance du sens d’un mot ou d’un autre, et réciproquement l’interprétation d’ensemble découle de la compréhension progressive du texte. Avoir lu un texte, c’est ainsi pouvoir le résumer, mais aussi pouvoir le reparcourir plus rapidement, en s’arrêtant sur des éléments qui à la première lecture n’avaient pas forcément semblé aussi importants qu’ils le sont finalement, c’est enfin en garder une impression, un sentiment, peut-être même une émotion : toute explication suppose bien une relecture. C’est au fond l’ensemble de ces éléments présents dans toute lecture, de façon plus ou moins développée, plus ou moins riche, qu’il s’agit pour le lecteur lycéen de développer par la pratique de l’exercice, qui lui permet d’en prendre conscience ; par là, il peut expliquer comment le texte fonctionne pour lui, et même rendre compte de la raison pour laquelle il fonctionne ainsi pour lui.

On comprend pourquoi, à cet égard, la pratique de la lecture linéaire est intéressante : elle mime en effet et réitère sur un mode plus attentif le mouvement qui est celui du lecteur ordinaire, qui avance dans le livre page après page, dans la page ligne après ligne, ou vers après vers. Il ne faut pas en effet envisager la lecture linéaire comme l’ajout au texte de notes successives, à la façon du travail d’un éditeur savant ; il s’agit au contraire pour l’élève de montrer, phrase après phrase et parfois même expression après expression, voire – rarement, mais pourquoi pas ! – mot après mot, comment il construit cette cohérence d’ensemble. Il s’agit, autrement dit, de rendre compte progressivement à la fois de ce que le texte dit et de la manière dont il le dit, pour réfléchir à la façon dont cette manière est intimement liée à ce propos : ce lien n’est au fond pas autre chose que la cohérence même du texte. Cette attention au texte dans le mouvement de la lecture en éclaire à mesure la construction et justifie par l’analyse l’interprétation qu’en propose l’élève, au lieu qu’une explication composée relève d’emblée d’une lecture tabulaire, favorisant la pratique de relevés ou le prélèvement d’indices, dans une démarche qui n’en fait pas moins courir le risque de la paraphrase et se coupe de surcroît de la lecture linéaire, laquelle effectue le sens du texte. En suivant le fil, l’élève se tient au texte dans une lecture qui s’explique véritablement. On voit que c’est donc à la fois la singularité du texte qui est poursuivie par l’exercice, et l’approche personnelle de cette singularité, puisque l’élève rend compte de sa lecture (de la façon dont il reçoit les éléments successifs du texte). Aussi importe-t-il d’apprendre aux élèves à questionner le texte, à interroger ses choix, sa forme et sa dynamique, ses idées et ses images, ses formules et son style, ses lieux-communs et ses bizarreries : expliquer, c’est moins identifier que savoir s’étonner et interroger. De là la démarche que l’on peut suivre pour mettre en place une explication linéaire.

La démarche

La réception personnelle du texte, l’appropriation de sa dynamique et de son énergie par l’élève, c’est bien la diction du texte à voix haute qui permet d’en avoir une première perception : aussi l’élève doit-il, dans l’exercice, après une brève présentation du texte, en proposer une juste lecture orale. Les éléments de contexte que la présentation met en évidence – place du passage dans l’œuvre et éventuellement, si l’information est pertinente pour l’explication, place de l’œuvre dans l’histoire littéraire – auront été mis en place par le travail mené en cours d’année. Une fois la lecture et la contextualisation rapidement opérées, il convient que le lecteur puisse identifier ce qui donne son unité au passage choisi : son thème, ce dont il parle (un personnage, un événement, une idée…), et la forme plus ou moins codifiée (une anecdote, un portrait, un sonnet,…) qu’il choisit de mettre en place pour parler de cela. Le mouvement qui anime cette forme peut ensuite être rapidement décrit pour rendre compte des différents temps du passage : cela permet de préciser un peu la description synthétique qui a été faite initialement. Dès lors, puisqu’on a désormais un regard synthétique sur le passage et une perception plus fine de sa composition, on peut proposer une piste de lecture, une question que l’explication linéaire va progressivement décliner ; si expliquer c’est questionner, il peut être utile d’expliciter cette question dès l’introduction – même si ce n’est pas obligatoire. Cette question, c’est la forme que prend la curiosité du lecteur devant ce passage : qu’a-t-il (ou que fait-il) d’original ou de singulier ? à quoi sert-il dans l’œuvre ? pourquoi intrigue-t-il (ou déçoit-il !), ou satisfait-il (ou frustre-t-il !), ou émeut-il (ou écœure-t-il !) le lecteur ? On voit bien qu’il est impossible d’établir de ces questions une liste close, puisqu’elles dépendent du texte, et sans doute du lecteur, mais toutes renvoient à une forme d’étonnement. Comment en effet, et pourquoi expliquer un texte si rien ne retient l’attention, si tout est d’emblée transparent et se résout dans une prise de connaissance sans reste ? C’est à partir de cette impression curieuse que peut se construire la lecture. Celle-ci, progressant avec le texte, va permettre d’affiner cette impression première, cette curiosité initiale, en explicitant ce qui attire l’attention du lecteur au fur et à mesure de sa lecture, et en expliquant pourquoi l’attention est ainsi attirée. Ces éléments de réflexion, bien entendu, ne visent pas à constituer une grille dogmatique de l’exercice : ils cherchent au contraire à faire valoir que l’exercice correspond à une démarche d’interrogation fondamentalement ouverte, soucieuse de la forme et du sens, des effets et de la raison des effets.

Méthode

- Définition

Linéaire signifie suivre le déroulement du texte. Par conséquent, contrairement au commentaire composé, « l'explication linéaire » suit le mouvement du texte proposé sans recourir à des axes de lecture organisateurs. Il s'agit d'effectuer une lecture méthodique du texte proposé, phrase par phrase, paragraphe par paragraphe, du début à la fin. Le but de cet exercice littéraire est de « découvrir » le plan du texte proposé pour former le plan de l'explication. Au total, la lecture linéaire aide à aborder un texte de manière efficace en repérant, analysant et regroupant les éléments qui fondent son unité.

 

I. L'introduction

L'introduction doit être brève et entièrement orientée vers l'intelligence du passage à analyser. Les développements généraux sur l'auteur, l'œuvre ou l'histoire littéraire sont à limiter. Il faut sélectionner les éléments biographiques ou d’histoire littéraire intéressants pour le texte à traiter. Le but est d'étudier un extrait de texte et le problème qui se pose est celui de le mettre en rapport avec le reste de l'œuvre.

1 - Situer le passage

Dans l'introduction, on commence par situer le passage, c'est-à-dire parcourir le contexte immédiat de l'extrait : ce qui vient avant et après. Il s'agit de donner toutes les informations utiles pour comprendre le passage à analyser. On commence par définir la place du passage dans le mouvement de l'œuvre : s'agit-il d'un lieu stratégique (un incipit, une clausule, une scène d'exposition, un dénouement, etc.). Pourquoi tel incipit commence de telle sorte, ou comment telle clausule assure un dénouement, ou encore comment tel extrait fait le lien entre telles parties, ou tels chapitres, ou encore tel autre passage? L'important c'est que le texte soit mis en rapport avec le reste de l'œuvre .

a) - Trois points à retenir :

1. Rendre compte de ce que ce passage représente dans l'ensemble du livre ou dans le déroulement de l'intrigue.

2. Bien distinguer le texte à analyser de ce qui précède et de ce qui suit immédiatement et, ainsi, comprendre les raisons qui ont conduit à isoler cet extrait.

3. Se demander ce qui assure l'unité du texte proposé.

b) - Analyser la singularité du texte à étudier

Après avoir situé le passage, il faut définir brièvement sa singularité .

1. Dégager les lignes de force et la composition du texte . C'est dans cette partie de l'introduction que l'on interroge la structure, le mouvement et le dynamisme, les articulations possibles dans l'ordre de la narration, les glissements d'idées du texte. Le but est de dire clairement ce qui fonde l'unité des sections que l'on propose de décrire.

Cette phase de travail est importante car l'explication devra suivre ce mouvement. Il s'agit de comprendre les articulations internes du texte : on s'intéressera donc tout particulièrement aux mots de liaison et aux modes des verbes... Attention, il ne s'agit pas seulement de dire où se trouvent les coupures du texte, il faut les justifier !

2. Annoncer un projet de lecture solide . Une fois la composition du texte trouvée et les lignes de force dégagées, il faut poser les orientations de l'explication à venir (le projet de lecture ou programme de lecture). Il s'agit de pointer avec précision ce qui fait l'intérêt du texte et ce qui sera mis en valeur plus particulièrement dans l'analyse.

Cette phase de travail est primordiale : c'est ce qui va donner de l'intérêt et de la dynamique à l'explication. N'oublions pas qu'une étude linéaire n'est pas une lecture désorganisée. Un projet de lecture énoncé en introduction permet d'éviter l'émiettement. Il s'agit ici de dire ce qui constitue l'intérêt spécifique du passage à étudier.

Nota bene : l'histoire littéraire, le genre, la situation de l'extrait dans l'œuvre et le ou les thèmes abordés aident à définir la perspective de lecture et à organiser votre explication.

II. L'analyse linéaire

Le but de l'analyse linéaire est d'élucider la lettre du texte : il faut donc partir obligatoirement d'une analyse grammaticale et logique de la phrase et d'une explication du vocabulaire qui assure toute la compréhension du sens littéral. Significations secondes, connotations et interprétations seront ensuite proposées.

a) - Deux points à retenir :

1. Prêtez une attention constante au détail du texte.

2. Préférez une démarche inductive : « telle expression pourrait mettre en place telle idée. »

. Gardez constamment à l'esprit votre projet de lecture et vérifiez-en la pertinence à chaque observation.

L'analyse devra être menée avec rigueur et méthode ligne par ligne, paragraphe par paragraphe avec une véritable démonstration, appuyée sur l'analyse des effets et des moyens, allant vers un but : la conclusion.

Au fur et à mesure de l'explication, il faut entrer dans le détail du texte, mais sans le morceler ou l'émietter. Autrement dit, il faut trouver de grandes lignes qui lui assurent une cohérence tout en commentant les faits stylistiques. C'est le plus difficile : il ne faut pas se noyer, il ne faut pas non plus rester trop superficiel.

L'analyse consiste donc en une suite de remarques qui viennent éclairer tel mot, telle expression, tel enchaînement d'idées. Il s'agit au fur et à mesure de la lecture de relever et d'interpréter les points les plus intéressants et les plus éclairants pour le texte lui-même par rapport à l'ensemble de l'œuvre.

b) - Conservez à l'esprit trois préoccupations :

  • Ne pas accumuler les remarques, mais les articuler les unes aux autres.
  • À chaque effet de sens perçu, se demander comment le texte l'a produit.
  • À chaque figure de style* repérée, se demander quel est son effet.

*Les figures de style : repérer une figure de style est un des moyens les plus efficaces pour éviter la paraphrase, mais aussi faut-il en justifier l'utilisation dans son contexte. Lorsqu'on repère une figure de style, ce qui compte, c'est de l'expliquer par rapport au contexte .

III - Rédiger la conclusion

  • À la fin de l'étude, on rassemble les résultats de l'analyse après avoir rappelé le projet de lecture.
  • On propose une ouverture ( sur un autre passage de l’œuvre, une autre œuvre du parcours, un autre auteur…)

 

 

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