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Programme parcours

Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Individu, morale et société

La princesse de Clèves

 

Angles culturels

  • Histoire littéraire : évolution du genre romanesque
  • Le classicisme
  • Les focalisations et leurs enjeux
  • Les effets de réel (portraits, descriptions, discours rapportés, temps…)
  • La préciosité
  • Le jansénisme
  • Biographie de Mme de Lafayette.

 

 

Analyses linéaires

  • La scène du bal « Elle passa tout le jour de ses fiançailles ….il ne put admirer que Mme de Clèves»
  • Les dernières volontés et la mort de Mme de Chartres « – Il faut nous quitter, ma fille… qui était la seule chose à quoi elle se sentait attachée. »

 

Extraits du film La belle personne, Honoré

Parcours associé

Interrogations par l’entremise du personnage sur l’individu et la société :la  justice, la condition féminine, la société de consommation

Analyses linéaires

 

  • Le procès dans L’Etranger
  • Lettre LXXXI, Les liaisons dangereuses

Document complémentaire :

Andrea Mantegna (Isola di Carturo, vers 1431 - Mantoue, 1506)
Minerve chassant les Vices du jardin de la vertu

 

Lecture cursive une au choix parmi :

 

Les classiques :

 

  • Manon Lescaut ,  Prevost
  • Madame Bovary, Flaubert
  • Le hussard sur le toit, Giono

 

Les contemporains

 

  •  Tropiques de la violence , Appanah
  •  Ulysse from Bagdad , Schmitt
  • En finir avec Eddy Bellegueule, Louis
  • Synghé Sabour, Rahimi

 

  • Cercle de lecture et création d’une première de couverture, avec argumentation

 

Travaux  et évaluations

  • Oral : Simulation d’oral
  • Dissertations : " Toute vérité est-elle bonne à dire?"
  • Commentaire : L'incipit de La condition humaine, Malraux

 

 

  • Ecrit d’appropriation : rédiger une critique des extraits du film La belle personne

Grammaire :

L’interrogation : syntaxe, sémantique et

Les liaisons dangereuses, Laclos

Lettre LXXXI

« La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont »

Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état au silence et  à l’inaction, j’ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu’on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on s’empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me cacher.

Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à dissimuler : forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré ; j’obtins dès lors de prendre à volonté ce regard distrait que depuis vous avez loué si souvent. Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air de la sécurité, même celui de la joie ; j’ai porté le zèle jusqu’à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l’expression du plaisir. Je me suis travaillée avec le même soin et plus de peine pour réprimer les symptômes d’une joie inattendue. C’est ainsi que j’ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné.

J’étais bien jeune encore, et presque sans intérêt : mais je n’avais à moi que ma pensée, et je m’indignais qu’on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. Munie de ces premières armes, j’en essayai l’usage : non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m’amusais à me montrer sous des formes différentes ; sûre de mes gestes, j’observais mes discours ; je réglais les uns et les autres, suivant les circonstances, ou même seulement suivant mes fantaisies : dès ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu’il m’était utile de laisser voir.

Ce travail sur moi-même avait fixé mon attention sur l’expression des figures et le caractère des physionomies ; et j’y gagnai ce coup d’oeil pénétrant, auquel l’expérience m’a pourtant appris à ne pas me fier entièrement ; mais qui, en tout, m’a rarement trompée.

Je n’avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos politiques doivent leur réputation, et je ne me trouvais encore qu’aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir.

  • Texte complémentaire :version dialoguée dans le film de Stefen Frears.
    Message  


    "Quand j'ai fait mon entrée dans la société, j'avais quinze ans... Je savais déjà le rôle que l'on m'assignait : me taire et faire ce que l'on m'ordonnait. Cela me permit d'apprendre à sentir, observer... Je me moquais bien de ce que l'on pouvait me dire - cela n'avait aucune importance - mais je m'efforçais de deviner ce que l'on essayait de cacher... Je pratiquais le détachement. J'étais entraînée à sourire pendant que sous la table, j'enfonçais une fourchette entre la peau et mes ongles... Je devins très vite une virtuose de l'hypocrisie... Ce n'était pas le plaisir que je recherchais, mais la connaissance... Je consultais d'austères moralistes pour acquérir le maintien, des philosophes pour apprendre à réfléchir, et des écrivains pour voir dans leurs romans jusqu'où je pouvais aller... Et tout cela, je l'ai distillé en un unique et merveilleux précepte : vaincre ou mourir... Pas d'autre choix"...

https://www.youtube.com/watch?v=HP_J8nnkBT8

https://www.youtube.com/watch?v=cebohAK_zmw

Les liaisons dangereuses

L'Etranger, Camus

L’étranger, Camus , 1942

Même sur un banc d’accusé, il est toujours intéressant d’entendre parler de soi. Pendant les plaidoiries du procureur et de mon avocat, je peux dire qu’on a beaucoup parlé de moi et peut-être plus de moi que de mon crime. Étaient-elles si différentes, d’ailleurs, ces plaidoiries ? L’avocat levait les bras et plaidait coupable, mais avec excuses. Le procureur tendait ses mains et dénonçait la culpabilité, mais sans excuses. Une chose pourtant me gênait vaguement. Malgré mes préoccupations, j’étais parfois tenté d’intervenir et mon avocat me disait alors : « Taisez-vous, cela vaut mieux pour votre affaire. » En quelque sorte, on avait l’air de traiter cette affaire en dehors de moi. Tout se déroulait sans mon intervention. Mon sort se réglait sans qu’on prenne mon avis. De temps en temps, j’avais envie d’interrompre tout le monde et de dire : « Mais tout de même, qui est l’accusé ? C’est important d’être l’accusé. Et j’ai quelque chose à dire ! » Mais réflexion faite, je n’avais rien à dire. D’ailleurs, je dois reconnaître que l’intérêt qu’on trouve à occuper les gens ne dure pas longtemps. Par exemple, la plaidoirie du procureur m’a très vite lassé. Ce sont seulement des fragments, des gestes ou des tirades entières, mais détachées de l’ensemble, qui m’ont frappé ou ont éveillé mon intérêt.

Le fond de sa pensée, si j’ai bien compris, c’est que j’avais prémédité mon crime. Du moins, il a essayé de le démontrer. Comme il le disait lui-même : « J’en ferai la preuve, Messieurs, et je la ferai doublement. Sous l’aveuglante clarté des faits d’abord et ensuite dans l’éclairage sombre que me fournira la psychologie de cette âme criminelle. » Il a résumé les faits à partir de la mort de maman. Il a rappelé mon insensibilité, l’ignorance où j’étais de l’âge de maman, mon bain du lendemain, avec une femme, le cinéma, Fernandel et enfin la rentrée avec Marie. J’ai mis du temps à le comprendre, à ce moment, parce qu’il disait « sa maîtresse » et pour moi, elle était Marie. Ensuite, il en est venu à l’histoire de Raymond. J’ai trouvé que sa façon de voir les événements ne manquait pas de clarté. Ce qu’il disait était plausible. J’avais écrit la lettre d’accord avec Raymond pour attirer sa maîtresse et la livrer aux mauvais traitements d’un homme « de moralité douteuse ». J’avais provoqué sur la plage les adversaires de Raymond. Celui-ci avait été blessé. Je lui avais demandé son revolver. J’étais revenu seul pour m’en servir. J’avais abattu l’Arabe comme je le projetais. J’avais attendu. Et « pour être sûr que la besogne était bien faite », j’avais tiré encore quatre balles, posément, à coup sûr, d’une façon réfléchie en quelque sorte.

« Et voilà, Messieurs, a dit l’avocat général. J’ai retracé devant vous le fil d’événements qui a conduit cet homme à tuer en pleine connaissance de cause. J’insiste là-dessus, a-t-il dit. Car il ne s’agit pas d’un assassinat ordinaire, d’un acte irréfléchi que vous pourriez estimer atténué par les circonstances. Cet homme, Messieurs, cet homme est intelligent. Vous l’avez entendu, n’est-ce pas ? Il sait répondre. Il connaît la valeur des mots. Et l’on ne peut pas dire qu’il a agi sans se rendre compte de ce qu’il faisait. »

Moi j’écoutais et j’entendais qu’on me jugeait intelligent. Mais je ne comprenais pas bien comment les qualités d’un homme ordinaire pouvaient devenir des charges écrasantes contre un coupable

Le testament d'Albert Camus

Extension du domaine de la lutte, Houellebecq

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte,1994,

 

Vers quatorze heures, je sors de mon hôtel. Sans hésiter, je me dirige vers la place du Vieux-Marché.

C'est une place assez vaste, entièrement entourée de cafés, de restaurants et de magasins de luxe. C'est là qu'on a brûlé Jeanne d'Arc, il y a maintenant plus de cinq cents ans. Pour commémorer l'événement on a construit une espèce d'entassement de dalles de béton bizarrement incurvées, à moitié enfoncées dans le sol, qui s'avère à plus ample examen être une église. Il y a également des embryons de pelouse, des massifs floraux, et des plans inclinés qui semblent destinés aux amateurs de skateboard, à moins que ce ne soit aux voitures de mutilés, c'est difficile à dire. Mais la complexité de l'endroit ne s'arrête pas là : il y a aussi des magasins au centre de la place, sous une sorte de rotonde en béton, ainsi qu'un bâtiment qui ressemble à un arrêt de cars.

Je m'installe sur une des dalles de béton, bien décidé à tirer les choses au clair. Il apparaît sans doute possible que cette place est le cœur, le noyau central de la ville. Quel jeu se joue ici exactement ?

J'observe d'abord que les gens se déplacent généralement par bandes, ou par petits groupes de deux à six individus. Pas un groupe ne m'apparaît exactement semblable à l'autre. Évidemment ils se ressemblent, ils se ressemblent énormément, mais cette ressemblance ne saurait s'appeler identité. Comme s'ils avaient choisi de concrétiser l'antagonisme qui accompagne nécessairement toute espèce d'individualisation en adoptant des tenues, des modes de déplacement, des formules de regroupement légèrement différentes.

J'observe ensuite que tous ces gens semblent satisfaits d'eux-mêmes et de l'univers c'est étonnant, voire un peu effrayant. Ils déambulent sobrement, arborant qui un sourire narquois, qui un air abruti. Certains parmi les plus jeunes sont vêtus de blousons aux motifs empruntés au hard-rock le plus sauvage ; on peut y lire des phrases telles que « Kill them all ! », ou « Fuck and destroy ! » ; mais tous communient dans la certitude de passer un agréable après-midi, essentiellement dévolu à la consommation, et par la même de contribuer au raffermissement de leur être.

J'observe enfin que je me sens différent d'eux, sans pour autant pouvoir préciser la nature de cette différence.

Je finis par me lasser de cette observation sans issue, et je me réfugie dans un café. Nouvelle erreur. Entre les tables circule un dogue allemand énorme, encore plus monstrueux que la plupart de ceux de sa race. Devant chaque client il s'arrête, comme pour se demander s'il peut ou non se permettre de le mordre.

A deux mètres de moi, une jeune fille est attablée devant une grande tasse de chocolat mousseux. L'animal s'arrête longuement devant elle, il flaire la tasse de son museau, comme s'il allait soudain laper le contenu d'un grand coup de langue. Je sens qu'elle commence à avoir peur. Je me lève, j'ai envie d'intervenir, je hais ce genre de bêtes. Mais finalement le chien repart.

 

Andrea Mantegna (Isola di Carturo, vers 1431 - Mantoue, 1506) Minerve chassant les Vices du jardin de la vertu

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