L'art de la parole

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L'art d'avoir toujours raison

La dialectique éristique

Stratagème I L’extension Il s’agit de reprendre la thèse adverse en l’élargissant hors de ses limites naturelles, en lui donnant un sens aussi général et large que possible et l’exagérer, tout en maintenant les limites de ses propres positions aussi restreintes que possibles. Car plus une thèse est générale et plus il est facile de lui porter des attaques. Se défendre de cette stratégie consiste à formuler une proposition précise sur le puncti ou le status controversiæ.

Stratagème II L’homonymie Ce stratagème consiste à étendre une proposition à quelque chose qui a peu ou rien à voir avec le discours original hormis la similarité des termes employés afin de la réfuter triomphalement et donner l’impression d’avoir réfuté la proposition originale.

Stratagème III La généralisation des arguments adverses Il s’agit de prendre une proposition κατα τι, relative, et de la poser comme απλως, absolue12 ou du moins la prendre dans un contexte complètement différent et puis la réfuter. L’exemple d’Aristote est le suivant : le Maure est noir, mais ses dents sont blanches, il est donc noir et blanc en même temps. Il s’agit d’un exemple inventé dont le sophisme ne trompera personne. Il faut donc prendre un exemple réel.

Stratagème IV Cacher son jeu Lorsque l’on désire tirer une conclusion, il ne faut pas que l’adversaire voie où l’on veut en venir, mais quand même lui faire admettre les prémisses un par un, l’air de rien, sans quoi l’adversaire tentera de s’y opposer par toutes sortes de chicanes. S’il est douteux que l’adversaire admette les prémisses, il faut établir des prémisses à ces prémisses, faire des présyllogismes et s’arranger pour les faire admettre, peu importe l’ordre. Vous cachez ainsi votre jeu jusqu’à ce que votre adversaire ait approuvé tout ce dont vous aviez besoin pour l’attaquer. Ces règles sont données dans Aristote, Topiques, VIII, 1.

Stratagème V Faux arguments On peut, pour prouver une assertion dans le cas où l’adversaire refuse d’approuver de vrais arguments, soit parce qu’il n’en perçoit pas la véracité, soit parce qu’il devine où l’on veut en venir, utiliser des arguments que l’on sait être faux. Dans ce cas, il faut prendre des arguments faux en eux-mêmes, mais vrais ad hominem, et argumenter avec la façon de penser de l’adversaire, c’est-à-dire ex concessis. Une conclusion vraie peut en effet découler de fausses prémisses, mais pas l’inverse. De même, on peut détourner les faux arguments de l’adversaire par de faux arguments qu’il pense être vrais. Il faut utiliser son mode de pensée contre lui. Ainsi, s’il est membre d’une secte à laquelle nous n’appartenons pas, nous pouvons utiliser la doctrine de secte contre lui. Aristote, Topiques, VIII, 9.

Stratagème VI Postuler ce qui n’a pas été prouvé On fait une petitio principii en postulant ce qui n’a pas été prouvé, soit : 1. en utilisant un autre nom, par exemple « bonne réputation » au lieu de « honneur », « vertu » au lieu de « virginité », etc. ou en utilisant des mots intervertibles comme « animaux à sang rouge » au lieu de « vertébrés » ; 2. en faisant une affirmation générale couvrant ce dont il est question dans le débat : par exemple maintenir l’incertitude de la médecine en postulant l’incertitude de toute la connaissance humaine ; 3. ou vice-versa, si deux choses découlent l’une de l’autre, et que l’une reste à prouver, on peut postuler l’autre ; 4. si une proposition générale reste à prouver, on peut amener l’adversaire à admettre chaque point particulier. Ceci est l’inverse du deuxième cas. Aristote, Topiques, VIII, 11

Stratagème VII Atteindre le consensus par des questions Si le débat est conduit de façon relativement stricte et formelle, et qu’il y a le désir d’arriver à un consensus clair, celui qui formule une proposition et veut la prouver peut s’opposer à son adversaire en posant des questions, afin de démontrer la vérité par ses admissions. Cette méthode érothématique (également appelée Socratique) était particulièrement en usage chez les Anciens, et quelques stratagèmes développés plus loin y sont associés (ceux-ci dérivent librement des Réfutations Sophistiques d’Aristote, chapitre 15). L’idée est de poser beaucoup de questions à large portée en même temps, comme pour cacher ce que l’on désire faire admettre. On soumet ensuite rapidement l’argument découlant de ces admissions : ceux qui ne sont pas vif d’esprit ne pourront pas suivre avec précision le débat et ne remarqueront pas les erreurs ou oublis de la démonstration.

Stratagème VIII Fâcher l’adversaire Provoquez la colère de votre adversaire : la colère voile le jugement et il perdra de vue où sont ses intérêts. Il est possible de provoquer la colère de l’adversaire en étant injuste envers lui à plusieurs reprises, ou par des chicanes, et en étant généralement insolent. Stratagème IX Poser les questions dans un autre ordre Posez vos questions dans un ordre différent de celui duquel la conclusion dépend, et transposez-les de façon à ce que l’adversaire ne devine pas votre objectif. Il ne pourra alors pas prendre de précautions et vous pourrez utiliser ses réponses pour arriver à des conclusions différentes, voire opposées. Ceci est apparenté au stratagème 4 : cacher son jeu. Stratagème X Prendre avantage de l’antithèse Si vous vous rendez compte que votre adversaire répond par la négative à une question à laquelle vous avez besoin qu’il réponde par la positive dans votre argumentation, interrogez-le sur l’opposé de votre thèse, comme si c’était cela que vous vouliez lui faire approuver, ou donnez-lui le choix de choisir entre les deux afin qu’il ne sache pas à laquelle des deux propositions vous voulez qu’il adhère. Stratagème XI Généraliser ce qui porte sur des cas précis Faites une induction et arrangez vous pour que votre adversaire concède des cas particuliers qui en découlent, sans lui dire la vérité générale que vous voulez lui faire admettre. Introduisez plus tard cette vérité comme un fait admis, et, sur le moment, il aura l’impression de l’avoir admise lui-même, et les auditeurs auront également cette impression car ils se souviendront des nombreuses questions sur les cas particuliers que vous aurez posées.

Stratagème XII Choisir des métaphores favorables Si la conversation porte autour d’une conception générale qui ne porte pas de nom mais requiert une désignation métaphorique, il faut choisir une métaphore favorable à votre thèse. Par exemple, les mots serviles et liberales utilisés pour désigner les partis politiques espagnols furent manifestement choisis par ces derniers.

Stratagème XIII Faire rejeter l’antithèse Pour que notre adversaire accepte une proposition, il faut également lui fournir la contreproposition et lui donner le choix entre les deux, en accentuant tellement le contraste que, pour éviter une position paradoxale, il se ralliera à notre proposition qui est celle qui paraît le plus probable. Par exemple, si vous voulez lui faire admettre qu’un garçon doit faire tout ce que son père lui dit de faire, posez lui la question : « Faut-il en toutes choses obéir ou bien désobéir à ses parents ? » De même, si l’on dit d’une chose qu’elle se déroule « souvent », demandez si par « souvent » il faut comprendre peu ou beaucoup de cas et il vous dira « beaucoup ». C’est comme si l’on plaçait du gris à côté du noir et qu’on l’appelait blanc, ou à côté du blanc et qu’on l’appelait noir.

Stratagème XIV Clamer victoire malgré la défaite Il est un piège effronté que vous pouvez poser contre votre adversaire : lorsque votre adversaire aura répondu à plusieurs questions, sans qu’aucune des réponses ne se soient montrées favorables quant à la conclusion que vous défendez, présentez quand même votre conclusion triomphalement comme si votre adversaire l’avait prouvée pour vous. Si votre adversaire est timide, ou stupide, et que vous vous montrez suffisamment audacieux et parlez suffisamment fort, cette astuce pourrait facilement réussir. Ce stratagème est apparenté aufallacia non causæ ut causæ.

Stratagème XV Utiliser des arguments absurdes Si nous avons avancé une proposition paradoxale et que nous avons du mal à la prouver, nous pouvons proposer à notre adversaire une proposition qui paraît correcte mais dont la vérité n’est pas tout à fait palpable à première vue, comme si nous désirions nous servir de cette proposition comme preuve. Si l’adversaire rejette cette proposition par méfiance, nous proclamerons triomphalement l’avoir mené ad absurdum. Si en revanche il accepte la proposition, cela montre que nous étions raisonnablement dans le vrai et pouvons continuer dans cette voie. Nous pouvons aussi avoir recours au stratagème précédent et déclarer notre position paradoxale démontrée par la proposition qu’il a admise. Cela demande une impudence extrême mais de tels cas arrivent et il est des personnes qui procèdent ainsi d’instinct.

Stratagème XVI Argument ad hominem L’argumenta ad hominem ou ex concessis : lorsque notre adversaire fait une proposition, il faut vérifier si celle-ci ne serait pas inconsistante – même si ce n’est qu’une apparence – avec d’autres propositions qu’il a faites ou admises, ou avec les principes de l’école ou de la secte à laquelle il appartient, ou avec les actions des membres de son culte, au pire avec ceux qui donnent l’impression d’avoir les mêmes opinions, même si c’est infondé. Par exemple, s’il défend le suicide, on peut lui répondre : « Alors pourquoi ne te pends-tu pas ? » Ou encore, s’il soutient qu’il ne fait pas bon vivre à Berlin, on peut rétorquer : « Pourquoi ne prends-tu pas le premier express pour la quitter ? » Tel est le genre de chicanes que l’on peut utiliser.

Stratagème XVII Se défendre en coupant les cheveux en quatre Si l’adversaire nous repousse en présentant des preuves contraires, il est souvent possible de se sauver en établissant une fine distinction à laquelle nous n’avions pas pensé auparavant. Ceci s’applique dans le cas de double sens ou double cas.

Stratagème XVIII Interrompre et détourner le débat Si nous nous rendons compte que l’adversaire a entrepris une série d’arguments qui va mener à notre défaite, il ne faut pas lui permettre d’arriver à conclusion mais l’interrompre au milieu de son argumentation, le distraire, et dévier ce sujet pour l’amener à d’autres. On peut utiliser un mutatio controversiæ (voir stratagème XXIX)

Stratagème XIX Généraliser plutôt que de débattre de détails Si l’adversaire nous défie expressément de mettre à mal un point particulier de son argumentation mais que nous ne voyons pas grand-chose à y redire, nous devons tenter de généraliser le sujet puis de l’attaquer là dessus. Si on nous demande d’expliquer pourquoi on ne peut pas faire confiance à une certaine hypothèse physique, nous pouvons invoquer la faillibilité de la connaissance humaine en citant plusieurs exemples.

Stratagème XX Tirer des conclusions Lorsque nous avons postulé nos prémisses et que l’adversaire les a admises, il faut s’abstenir de lui demander de tirer lui-même conclusions et le faire soi-même immédiatement. Et même s’il manque une prémisse ou deux, nous pouvons faire comme si elles avaient été admises et annoncer la conclusion. Il s’agit d’une application du fallacia non causæ ut causæ.

Stratagème XXI Répondre à de mauvais arguments par de mauvais arguments Lorsque l’adversaire use d’un argument superficiel ou sophistique, et que nous voyons à travers, il est certes possible de le réfuter en exposant son caractère superficiel, mais il est préférable d’utiliser un contre argument tout aussi superficiel et sophistique. En effet, ce n’est pas de la vérité dont nous nous préoccupons mais de la victoire. S’il utilise par exemple unargumentum ad hominem il suffit d’y répondre par un contre argumentum ad hominem (ex concessis). Il est en général plus court de procéder ainsi que de s’établir la vérité par une longue argumentation.

Stratagème XXII Petitio principii Si notre adversaire veut que nous admettions quelque chose à partir duquel le point problématique du débat s’ensuit, il faut refuser en déclarant que l’adversaire fait un petitio principii. L’auditoire identifiera immédiatement tout argument similaire comme tel et privera l’adversaire de son meilleur argument.

La pétition de principe 

Méthode : consiste à faire une démonstration qui contient déjà l’acceptation de la conclusion, ou qui n’a de sens que lorsque l’on accepte déjà cette conclusion.

Exemples

Par insinuation : Nous ouvrons aujourd’hui le procès d’un ignoble meurtrier.

Stratagème XXIII Forcer l’adversaire à l’exagération La contradiction et la dispute incitent l’homme à l’exagération. Nous pouvons ainsi par la provocation inciter l’adversaire à aller au-delà des limites de son argumentation pour le réfuter et donner l’impression que nous avons réfuté l’argumentation elle même. De même, il faut faire attention à ne pas exagérer ses propres arguments sous l’effet de la contraction.L’adversaire cherchera souvent lui-même à exagérer nos arguments au-delà de leurs limites et il faut l’arrêter immédiatement pour le ramener dans les limites établies : « Voilà ce que j’ai dit, et rien de plus. »

Stratagème XXIV Tirer de fausses conclusions Il s’agit de prendre une proposition de l’adversaire et d’en déformer l’esprit pour en tirer de fausses propositions, absurdes et dangereuses que sa proposition initiale n’incluait pas : cela donne l’impression que sa proposition a donné naissance à d’autres qui sont incompatibles entre elles ou défient une vérité acceptée. Il s’agit d’une réfutation indirecte, une apagogie, qui est une autre application de fallacia non causæ ut causæ.

Stratagème XXV Trouver une exception Il s’agit d’une apagogie à travers une instance, un exemplum in contrarium. L’επαγωγη, inductio, nécessite un grand nombre d’instances bien définies pour s’établir comme une proposition universelle tandis que l’απαγωγη ne requiert qu’une seule instance à laquelle la proposition ne s’applique pas et qui la réfute. C’est ce qui s’appelle une instance, ενστασις, exemplum in contrarium, instantia. Par exemple, la phrase : « Tous les ruminants ont des cornes » est réfutée par la seule instance du chameau. L’instance s’applique là où une vérité fondamentale cherche à être mise en application, mais que quelque chose est inséré dans la définition qui ne la rend pas universellement vraie

Stratagème XXVI Retourner un argument contre l’adversaire Un coup brillant est le retorsio argumenti par lequel on retourne l’argument d’un adversaire contre lui. Si par exemple, celui-ci dit : « Ce n’est qu’un enfant, il faut être indulgent. » le retorsio serait : « C’est justement parce que c’est un enfant qu’il faut le punir, ou il gardera de mauvaises habitudes. »

Stratagème XXVII La colère est une faiblesse Si l’adversaire se met particulièrement en colère lorsqu’on utilise un certain argument, il faut l’utiliser avec d’autant plus de zèle : non seulement parce qu’il est bon de le mettre en colère, mais parce qu’on peut présumer avoir mis le doigt sur le point faible de son argumentation et qu’il est d’autant plus exposé que maintenant qu’il s’est trahi.

Stratagème XXVIII Convaincre le public et non l’adversaire Il s’agit du genre de stratégie que l’on peut utiliser lors d’une discussion entre érudits en présence d’un public non instruit. Si vous n’avez pas d’argumentum ad rem, ni même d’ad hominem, vous pouvez en faire un ad auditores, c.-à-d. une objection invalide, mais invalide seulement pour un expert. Votre adversaire aura beau être un expert, ceux qui composent le public n’en sont pas, et à leurs yeux, vous l’aurez battu, surtout si votre objection le place sous un jour ridicule. : les gens sont prêts à rire et vous avez les rires à vos côtés. Montrer que votre objection est invalide nécessitera une explication longue faisant référence à des branches de la science dont vous débattez et le public n’est pas spécialement disposé à l’écouter.

Stratagème XXIX Faire diversion Lorsque l’on se rend compte que l’on va être battu, on peut faire une diversion, c.-à-d. commencer à parler de quelque chose de complètement différent, comme si ça avait un rapport avec le débat et consistait un argument contre votre adversaire. Cela peut être fait innocemment si cette diversion avait un lien avec le thema quæstionis, mais dans le cas où il n’y a pas, c’est une stratégie effrontée pour attaquer votre adversaire.

Stratagème XXX Argument d’autorité L’argumentum ad verecundiam. Celui-ci consiste à faire appel à une autorité plutôt qu’à la raison, et d’utiliser une autorité approprié aux connaissances de l’adversaire.

Stratagème XXXI Je ne comprends rien de ce que vous me dites Si on se retrouve dans une situation où on ne sait pas quoi rétorquer aux arguments de l’adversaire, on peut par une fine ironie, se déclarer incapable de porter un jugement : « Ce que vous me dites dépasse mes faibles capacités d’entendement : ça peut très bien être correct, mais je ne comprends pas suffisamment et je m’abstiendrai donc de donner un avis. » En procédant ainsi, on insinue auprès de l’auditoire – auprès duquel votre réputation est établie – que votre adversaire dit des bêtises. Ainsi, lorsque la Critique de la raison pure de Kant commença à faire du bruit, de nombreux professeurs de l’ancienne école éclectique déclarèrent : « nous n’y comprenons rien. » croyant que cela résoudrait l’affaire. Mais lorsque les adhérents de la nouvelle école leur prouvèrent avoir raison, ceux qui déclarèrent ne rien y avoir compris en furent pour leurs frais. On aura besoin d’avoir recours à cette tactique uniquement lorsqu’on est certain que l’audience est plus inclinée en notre faveur qu’envers l’adversaire. Un professeur pourrait par exemple s’en servir contre un élève. À proprement parler, ce stratagème appartient au stratagème précédent où l’on fait usage de sa propre autorité au lieu de chercher à raisonner, et d’une façon particulièrement malicieuse. La contre-attaque est de dire : « Toutes mes excuses, mais avec votre intelligence pénétrante il doit vous être particulièrement aisé de pouvoir comprendre n’importe quoi, et c’est donc ma pauvre argumentation qui est en défaut. » et de continuer à lui graisser la patte jusqu’à ce qu’il nous comprenne nolens volens qu’il nous apparaît clair qu’il n’avait vraiment compris. Ainsi pare-t-on cette attaque : si l’adversaire insinue que nous disons des bêtises, nous insinuons qu’il est un imbécile, le tout dans la politesse la plus exquise.

Stratagème XXXII Principe de l’association dégradante Lorsque l’on est confronté à une assertion de l’adversaire, il y a une façon de l’écarter rapidement, ou du moins de jeter l’opprobre dessus en la plaçant dans une catégorie péjorative, même si l’association n’est qu’apparente ou très ténue. Par exemple que c’est du manichéisme, ou de l’arianisme, du pélagianisme, de l’idéalisme, du spinosisme, du panthéisme, du brownianisme, du naturalisme, de l’athéisme, du rationalisme, du spiritualisme, du mysticisme, etc. 

héorie oui, en pratique non « C’est peut-être vrai en théorie, mais en pratique ça ne marche pas. » Par ce sophisme, on admet les prémisses mais on nie les conséquences, et ce en contradiction avec la règle de logique a ratione ad rationatum valet consequentia. L’assertion est basée sur une impossibilité : ce qui est correct en théorie doit marcher en pratique, et si ça ne marche pas c’est qu’il a une erreur dans la théorie, quelque chose qui a été oublié, et que c’est donc la théorie qui est fausse.

Stratagème XXXIV Accentuer la pression Lorsque vous soulevez un point ou posez une question à laquelle l’adversaire ne donne pas de réponse directe, mais l’évite par une autre question, une réponse indirecte ou quelque chose qui n’a rien à voir, et de façon générale cherche à détourner le sujet, c’est un signe certain que vous avez touché un point faible, parfois sans même le savoir, et que vous l’avez en somme réduit au silence. Vous devez donc appuyer davantage sur ce point et ne pas laisser votre adversaire l’éviter, même si vous ne savez pas où réside exactement la faille.

Stratagème XXXV Les intérêts sont plus forts que la raison Dès que ce stratagème peut être utilisé, tous les autres perdent leur utilité : au lieu de tenter d’argumenter avec l’intellect de l’adversaire, nous pouvons appeler à ses intentions et ses motifs, et si lui et l’auditoire ont les mêmes intérêts, ils se rallieront à notre opinion, quand bien même elle fut empruntée à un asile d’aliénés, car de manière générale, un poids d’intention pèse plus que cent de raison et d’intelligence. Ceci n’est bien entendu vrai que dans certaines circonstances. Si on arrive à faire sentir à l’adversaire que son opinion si elle s’avérait vraie porterait un préjudice notable à ses intérêts, il la laisserait tomber comme une barre de fer chauffée prise par inadvertance. Par exemple, un prêtre défend un certain dogme philosophique. Si on lui signifie que celui-ci est en contradiction avec une des doctrines fondamentales de son église, il l’abandonnera.

Stratagème XXXVI Déconcerter l’adversaire par des paroles insensées Nous pouvons stupéfier l’adversaire en utilisant des paroles insensées. Ce stratagème est basé sur le fait que : Gewohnlich glaubt der Mensch, wenn er nur Worte hort, Es musse sich dabei doch auch was denken lassen. S’il est secrètement conscient de sa propre faiblesse et est habitué à entendre de nombreuses choses qu’il ne comprend pas mais fait semblant de les avoir comprises, on peut aisément l’impressionner en sortant des tirades à la formulation érudites, mais ne voulant rien dire du tout, ce qui le prive de l’ouïe, de la vue et de la pensée, ce sous-entend qu’il s’agit d’une preuve indiscutable de la véracité de notre thèse. Il est bien connu que dans les temps modernes, certains philosophes ont utilisé ce stratagème contre tout le peuple allemand avec un brillant succès

Stratagème XXXVII Une fausse démonstration signe la défaite (devrait être le premier). Lorsque l’adversaire a raison, mais a, par bonheur, utilisé une fausse démonstration, nous pouvons facilement la réfuter et déclamer ensuite avoir réfuté en même temps toute la théorie. Ce stratagème devrait être l’un des premiers à être exposés car il est, somme toute, un argumentum ad hominem présenté comme un argumentum ad rem. Si lui ou l’auditoire n’a plus aucune démonstration valable à soumettre, nous avons alors triomphé. Par exemple, lorsque quelqu’un avance l’argument ontologique pour prouver l’existence de Dieu alors que cet argument est facilement réfutable. C’est ainsi que les mauvais arguments perdent des bonnes affaires, en tentant de les soutenir par des autorités qui ne sont pas appropriées ou lorsqu’aucune ne leur vient à l’esprit. Ultime stratagème Soyez personnel, insultant, malpoli Lorsque l’on se rend compte que l’adversaire nous est supérieur et nous ôte toute raison, il faut alors devenir personnel, insultant, malpoli. Cela consiste à passer du sujet de la dispute (que l’on a perdue), au débateur lui-même en attaquant sa personne : on pourrait appeler ça unargumentum ad personam pour le distinguer de l’argumentum ad hominem, ce dernier passant de la discussion objective du sujet à l’attaque de l’adversaire en le confrontant à ses admissions ou à ses paroles par rapport à ce sujet. En devenant personnel, on abandonne le sujet lui-même pour attaquer la personne elle-même : on devient insultant, malveillant, injurieux, vulgaire. C’est un appel des forces de l’intelligence dirigée à celles du corps, ou à l’animalisme. C’est une stratégie très appréciée car tout le monde peut l’appliquer, et elle est donc particulièrement utilisée. On peut maintenant se demander quelle est la contre-attaque, car si on a recours à la même stratégie, on risque une bataille, un duel, voire un procès pour diffamation

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