De la musique avant toute chose

Programme

Problématique

La musique accompagne nos vies : dès le plus jeune âge, avant même la naissance semble-t-il, l'être humain est sensible au son, au rythme, à l'harmonie et au silence. La musique est source de plaisir, d'enthousiasme, de sensations fortes qui marquent notre mémoire. Très présente dans notre quotidien, elle est liée à la fête et à la danse, aux rites, mais aussi aux moments plus douloureux de l'existence. Elle peut offrir un refuge, voire nous isoler du monde. On l'écoute avec attention à l'occasion d'un concert, parfois elle passe plus inaperçue : musique d'ambiance entendue par hasard, presque par accident, émission de radio suivie distraitement. Il arrive aussi qu'elle agresse et provoque des réactions de rejet et d'exaspération.

La musique est un art exigeant, qui demande habileté technique et connaissances théoriques. Elle impose souvent une formation longue, difficile, parfois même éprouvante, puis un entraînement sans fin. Pour autant, les logiciels de création musicale la rendent aujourd'hui plus accessible. La musique requiert également l'investissement de ceux qui l'écoutent : temps, disponibilité, sensibilité, culture. Cependant, les critères d'appréciation sont multiples, à l'instar de la diversité des musiques.

Aujourd'hui, les outils numériques facilitent l'accès à des millions d'œuvres. Pourtant, que l'on soit en France ou n'importe où dans le monde, on a tendance à écouter les mêmes musiques, les mêmes chansons ; on vibre aux mêmes rythmes, on adule les mêmes stars. Magie de la communication moderne qui facilite la circulation des biens culturels et le partage, ou standardisation qui fait disparaître les singularités nationales et régionales, la richesse et la diversité ? Comment même créer sa « play list », alors que les algorithmes sont capables d'anticiper nos choix ?

En tant qu'œuvres d'art, le morceau, la pièce ou la chanson peuvent aussi revêtir une dimension sociale ou politique. Hymnes nationaux, chants révolutionnaires, chansons engagées, morceaux emblématiques d'une génération, la musique prend différentes formes qui l'amènent à servir une cause. Elle devient dans ce cas la référence d'un groupe social, d'une époque, la clé d'un événement historique. Doit-on alors l'appréhender comme un art essentiellement fédérateur ? La mode, la pression du collectif et de la norme laissent-elles encore une place à la singularité des goûts musicaux ?

 

Mots-clés

Son, voix, instrument, silence, bruit, harmonie, dissonance, accord, note, chanson, morceau, composition, scie, danse, euphonie, cacophonie, polyphonie, contrepoint, tube, refrain, rengaine, leitmotiv, rythme, tempo, cadence, variations, mélodie.

Musique classique, musique électronique, symphonie, musique populaire, variétés, musique folklorique, musique funèbre, musique sacrée, musique religieuse, requiem, musique de chambre, chant, opéra, comédie-ballet, opérette, musique militaire, musique de film, bande originale, jingle, jazz, rock'n'roll, rap, slam, comédie musicale, reggae, musique zen, musique sérielle, dodécaphonisme, hymne, comptine, berceuse, musique d'ambiance, musique d'ascenseur, musique de supermarché, musique pour spots publicitaires, etc.

Musicien, compositeur, interprète, maître, chanteur, cantatrice, rock star, beat-box, groupe, mélomane, orchestre, fanfare, chorale, chœur, maîtrise, musique d'harmonie.

Concert, festival, récital, bal musette, rave party, karaoké, musicothérapie, musique de jeu vidéo, concours de chant, télé-crochet musical.

Conservatoire, académie, partition, solfège, gamme, improvisation, musique assistée par ordinateur.

 

Expressions

La musique adoucit les mœurs ; mettre un bémol ; ne tirez pas sur le pianiste ! ; travailler en musique ; réglé comme du papier à musique ; se mettre au diapason ; en avant la musique ! ; aller plus vite que la musique ; c'est toujours la même chanson ; on connaît la musique, etc. ; changer de refrain ; c'est du pipeau ! ; accordez vos violons ; emboucher la trompette de la Renommée ; sans tambour ni trompette ; un concert de louanges ; à cor et à cri ; aller crescendo ; faire crincrin ; pousser la chansonnette ; toucher la corde sensible ; avoir des trémolos dans la voix, etc.

 

Indications bibliographiques

Ces indications ne sont en aucun cas un programme de lectures. Elles constituent des pistes et des suggestions pour permettre à chaque enseignant de s'orienter dans la réflexion sur le thème et d'élaborer son projet pédagogique.

Littérature

Metin Arditi, Prince d'orchestre
Honoré de Balzac, Gambara, Massimila Doni, Sarrasine
Alessandro Baricco, Novecento pianiste
Julian Barnes, Le Fracas du temps
Jérôme Bastianelli, La Vraie Vie de Vinteuil
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Harmonie du soir », « La Musique », « Correspondances »
Philippe Beaussant, Le Roi-Soleil se lève aussi ; Stradella
Nina Berberova, L'Accompagnatrice
Hector Berlioz, Euphonia ou La ville musicale
Jaume Cabré, Confiteor
Virginie Despentes, Vernon Subutex
Jean Echenoz, Ravel
Louis-René des Forêts, La Chambre des enfants, « Les grands moments d'un chanteur »
Christian Gailly, Be-Bop ; Un soir au club
Jacob et Wilhelm Grimm, Le Joueur de flûte de Hamelin
E. T. A. Hoffmann, Le Conseiller Krespel
Homère, Odyssée, XII, « Le Chant des sirènes »
Nick Hornby, Haute Fidélité
Célia Houdart, Gil
Nancy Huston, Les Variations Goldberg
Maylis de Kerangal, Dans les rapides
Andreï Makine, La Musique d'une vie
Guy de Maupassant, Contes et nouvelles, « Le Pain maudit »
Akira Mizubayashi, Âme brisée
Toni Morrison, Jazz
Gérard de Nerval, Odelettes, « Fantaisie »
Nicolaï Pouchkine, Mozart et Salieri
Serguei Prokofiev, Pierre et le loup
Marcel Proust, Un amour de Swann
Sylvain Prudhomme, Les Grands
Pascal Quignard, Le Salon du Wurtemberg ; Tous les matins du monde
Arthur Rimbaud, Poésies, « À la musique »
Valérie Rouzeau, Vrouz
Lydie Salvayre, Hymne
Peter Shaffer, Amadeus
Stendhal, Rome, Naples et Florence ; Vie de Rossini
Patrick Süskind, La Contrebasse
Paul Verlaine, Poèmes saturniens, « Sérénade » ; Jadis et naguère, « Art poétique »
Wladyslaw Szpilman, Le Pianiste

Essais

Dominique Ané, Ma vie en morceaux
Alain Bashung, De l'aube à l'aube
Charles Baudelaire, L'Art romantique, « Richard Wagner et Tannhäuser à Paris »
Emmanuel Bigand (dir.), Les Bienfaits de la musique sur le cerveau
Pierre Boulez, Jean-Pierre Changeux, Philippe Manoury, Les Neurones enchantés : le cerveau et la musique
David Byrne, Qu'est-ce que la musique ?
Agnès Gayraud, Dialectique de la pop
François Gorin, Sur le rock
E. T. A. Hoffmann, Kreisleriana
Vladimir Jankélévitch, La Musique et l'ineffable
Philippe Junod, La Musique vue par les peintres
Michel Leiris, Operratiques
Friedrich Nietzsche, La Naissance de la tragédie
Pascal Quignard, La Leçon de musique ; La Haine de la musique
Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique ; articles consacrés à la musique dans l'Encyclopédie
Éric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart
Joy Sorman, Du bruit
Jean Starobinski, Les Enchanteresses
Carl Wilson, Let's talk about love - Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût ?
Francis Wolff, Pourquoi la musique

En ligne

Cours du Collège de France : Philippe Manoury, « Musique, sons et signes »
Hervé Platel, « Comment la musique modifie notre cerveau ? »
Aline Moussard, Françoise Rochette et Emmanuel Bigand, « La musique comme outil de stimulation cognitive », L'Année psychologique 2012/3 (Vol. 112)
Michka Assayas, « Very Good Trip » (podcast)

Films

Woody Allen, Accords et désaccords
Jacques Audiard, De battre mon cœur s'est arrêté
Christophe Barratier, Les Choristes
Jane Campion, La Leçon de piano
John Cassavetes, Shadows
Damien Chazelle, Whiplash
Henri Colpi, Une aussi longue absence
Gérard Corbiau, Le Maître de musique ; Farinelli
Alain Corneau, Tous les matins du monde
Richard Curtis, Good Morning England
Clint Eastwood, Bird
Stephen Frears, Florence Foster Jenkins
Xavier Giannoli, Marguerite
Milos Forman, Amadeus
Mark Herman, Les Virtuoses
Anthony Mann, Romance inachevée
Radu Mihaileanu, Le Concert
Alan Parker, The Wall ; Les Commitments
Roman Polanski, Le Pianiste
Alain Resnais, On connaît la chanson
Ettore Scola, Le bal
Bryan Singer, Bohemian Rhapsody
Bertrand Tavernier, Autour de minuit
Danièle Thompson, Fauteuils d'orchestre
James Toback, Mélodie pour un tueur
Marco Villamizar et Éric Gutierez, Piccolo, Saxo et compagnie
Luchino Visconti, Mort à Venise ; Ludwig
Andrzej Wajda, Le Chef d'orchestre
Robert Wise, West Side Story
Studios Disney, Fantasia (1940), Fantasia 2000 (1999)

Arts plastiques

Georges Braque, Hommage à Bach
Paul Klee, Fugue en rouge
Franz Kupka, Les Touches de piano. Le Lac
Henri Matisse, La Tristesse du roi
Joan Miró, Intérieur hollandais
Mondrian, Broadway Boogie-Woogie
Luigi Russolo, La Musica
Nicolas de Staël, Le Concert
Norman McLaren, Dots ; A Phantasy in Colors

Musique et poésie

Paul Verlaine

Art poétique

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Ou l’Indécis au Précis se joint.

C’est de beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi ;
C’est par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la couleur, rien que la Nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prend l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on y veille, elle ira jusqu’où ?

Ô qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.

Questions :

  • Comment définiriez-vous la poésie ?

  • Recherchez la définition d’un art poétique.

          En quoi ce texte est-il un art poétique ?Justiiifiez

  • Dans la première strophe, que veut dire Verlaine quand il parle  de l’impair ?
  • Comment comprenez-vous le mot «  méprise » dans la deuxième strophe ?
  • La quatrième strophe est une longue métaphore filée, que représente-t-elle ?
  • Quel bilan pouvez-vous faire sur les liens qui unissent la poésie et la musique ?

Gérard de Nerval

Fantaisie

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber ;
Un air très-vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize… et je crois voir s’étendre
Un coteau vert que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,

Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens…
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue ! — et dont je me souviens !

 

Charles Baudelaire

 

 

La musique



La musique parfois me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un pur éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et gonflant mes poumons
De toile pesante,
Je monte et je descends sur le dos des grands monts
D’eau retentissante ;


Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur le sombre gouffre
Me bercent, et parfois le calme, — grand miroir
De mon désespoir !

 

 

Arthur Rimbaud

 

 

A la musique

 

Place de la Gare, à Charleville.

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

– L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent :  » En somme !… « 

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde – vous savez, c’est de la contrebande ; –

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

– Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

Quels sont les pouvoirs de la musique évoqués par Nerval et Baudelaire dans ces deux poèmes ? Justifiez.

Musique et langage

Le langage sifflé de l'île de la Gomera (îles Canaries), le Silbo Gomero

Quand les hommes parlent en sifflant : le silbo gomero!

Music as a language - Victor Wooten

Musique et peinture

musiqueMichelangelo, Merisi da Caravaggio, Les musiciens, 1594 © www.metmuseum.org

Musique et mythologie

On ne saurait parler de la civilisation de la Grèce antique sans évoquer la musique. Pour les Grecs anciens, la musique était l’une des expressions les plus caractéristiques de la culture, indissociable de la vie publique et privée.

Euterpe, Muse de la musique

Euterpe (en grec ancien Εὐτέρπη / Eutérpê, « qui sait plaire », de εὖ / eũ, « bien » et de τέρπω / térpô, « plaire ») est la Muse de la musique, fille de Zeus et de Mnémosyne.

 

 

 

 

 

Orphée

 

Doué d'une voix merveilleuse, que les Grecs connotent par le miel, Orphée est un poète mythique, le maître exemplaire de la parole chantée. Il charme, il séduit les hommes, des plus musiciens aux plus sauvages, et aussi les plantes, les animaux les plus féroces, jusqu'aux pierres. C'est là sa démesure, qui doit le perdre. Au centre du mythe de cet homme qui s'identifie à sa voix se place une histoire d'amour ou de séduction. Orphée est le jeune époux d'Eurydice. Leur lune de miel est troublée par l'intrusion d'Aristée, honnête apiculteur que le désir d'Eurydice pousse à se mal conduire. Il poursuit la jeune femme, un serpent d'eau la blesse. Orphée descend aux Enfers pour reprendre Eurydice. Sa voix séduit les puissances infernales, qui l'autorisent à repartir en compagnie de sa jeune épouse. Mais on lui prescrit de marcher devant elle sans se retourner ni lui adresser la parole. Orphée est incapable de respecter le double interdit qui impose à des amants de ne communiquer entre eux ni oralement, ni visuellement. Il perd définitivement Eurydice qu'il a voulu regarder ou, dit une autre version, embrasser sans attendre. Le mariage a besoin de bonne distance. Orphée l'ignore, lui qui confond par sa voix de miel les hommes et les bêtes, la nature sauvage et le monde socialisé. Désolé et solitaire, Orphée se retire dans la compagnie des animaux que ses chants rassemblent autour de lui. Les femmes, s'estimant méprisées, se jettent sur lui, le déchirent et le mettent en pièces, à la manière de bêtes sauvages que Dionysos aurait rendues furieuses

 

 

 

Les sirènes

Elles charmaient les hommes de leurs chants mélodieux pour les entrainer vers une vaste prairie, couverte des ossements et de chairs desséchées des infortunés marins qui les avaient précédés, et ils y périssaient bientôt.
A partir du Moyen Age, sans doute au contact des légendes des contrées nordiques, elles furent représentées en femmes à queue de poisson.D'après la tradition suivie par le récit homérique de l'Odyssée, il s'agissait de divinités de la mer postées à l'entrée du détroit de Sicile, sur une île située entre l’île d’Aea et celle des monstres Charybde et Scylla, mais il existe d'autres lieux de leur séjour comme le cap Pélore, l'île d'Anthémuse (Anthémoessa), les îles de Sirénuses, ou Caprée.
Par leurs chants au charme irrésistible, elles attiraient les marins et les entraînaient à la mort. Elles chantaient, paraît-il, des prophéties et des chansons inspirées par l'Hadès, l'Au-Delà.

 

 

 

 

 

Apollon

Apollon fils de Zeus et de Létô, frère jumeau d’Artémis était le dieu de la lumière, de l’harmonie et de la musique. Les autres dieux l’aimaient, mais ils en avaient un peu peur ! Pas question d’une fête sans lui sur l’Olympe. Quand il montait au palais de Zeus avec ses compagnes les Muses, tous les dieux l’accueillaient avec beaucoup de joie. Alors, Apollon prenait sa cithare et le palais retentissait des chants des dieux, tandis que les déesses menaient la danse. Sa musique avait un tel pouvoir que même le terrible Arès, dieu de la guerre, s’apaisait en entendant sa cithare, pendant que s’éteignait la redoutable foudre de Zeus.

 

 

Athéna

La déesse Athéna, protectrice des travaux de la guerre, mais aussi de la paix chez les hommes, est celle qui a fabriqué la première flûte. Elle prit un roseau, y ouvrit plusieurs trous, et commença à jouer de la musique. La déesse commençait à s’enthousiasmer de sa découverte mais son enthousiasme ne dura pas longtemps. Alors qu’elle jouait de sa flûte, elle fit la rencontre d’un silène, Marsyas. Comme il adorait taquiner, il se mit à rire dès qu’il vit Athéna ! La déesse s’arrêta de jouer pour lui demander ce qu’il y avait de si drôle. Marsyas lui dit qu’elle faisait une tête pleine de grimaces quand elle jouait de  la flûte, et qu’elle était très drôle à voir. La déesse furieuse jeta la flûte, et c’est alors que Marsias… Mais ça, c’est une autre histoire.

 

http://www.ecoles.cfwb.be/argattidegamond/Cartable%20musical/Antiquit%C3%A9/Dieux.htm

Euterpe

 

 

 

 

Le mythe d'Orphée : présentation et interprétations

 

Sirène

Apollon : Caractéristiques - La Mythologie Grecque

Mythologie grecque: Athéna 4/4

Musique et combats

Guerre de 7 ans Stanley Kubrick, Barry Lyndon, 1975

Lorsque paraît Candide en 1759, on se bat partout : en Europe, en Amérique, en Inde. À l'inverse d'une guerre héroïque portée par l'épopée, Voltaire met en scène une guerre cruelle, ennemie de la civilisation. ... Entre 1792 à 1802, la France révolutionnaire est en guerre avec les principales puissances de l'Europe.

Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.
Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres : c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.  
Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l’avaient traité de même.

Voltaire, Candide, extrait du chapitre III, 1759

https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2018/07/14/37002-20180714ARTFIG00013-la-surprenante-histoire-de-la-marseillaise.php

La création de La Marseillaise

L'un des hymnes les plus intemporels de l'Histoire n'est pas né à Marseille. Contrairement à ce que l'on croit souvent, et encore moins en 1789. S'il est bien l'œuvre d'un Français (c'est déjà ça), c'est en Alsace qu'il prend naissance pendant la guerre contre l'Autriche. Alors que le roi voit le pouvoir lui échapper, Louis XVI espère qu'une défaite militaire française lui permettra de restaurer son autorité et il déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie le 20 avril 1792. Il ne savait pas encore qu'elle lui serait fatale, ni qu'elle engendrerait le chant de ralliement des Français pour les générations à venir. Après deux mois de combats désorganisés, le Baron de Dietrich et maire de Strasbourg réalise que les troupes françaises manquent d'un chant fédérateur et se tourne vers son ami, l'officier Rouget de Lisle, musicien aux heures perdues. Ce dernier s'y attelle dans la nuit du 25 juin 1792, et le lendemain, «Le Chant de guerre pour l'armée du Rhin» voit le jour.

 

Un chant interdit par Napoléon sous l'Empire

À la fin du mois de juillet, les troupes sont forcées de reculer devant la Prusse, venue en aide à l'Autriche. Des volontaires français sont alors appelés de toute la France pour renforcer les rangs. En août, les fédérés de Marseille débarquent à Paris, emportant avec eux ce chant désormais révolutionnaire, rebaptisé quelque temps plus tard «La Marseillaise». Sa genèse correspond donc à celle - non moins importante - de la République, puisque le 10 août ceux-ci envahissent les Tuileries et font enfermer le roi et sa famille, ce qui met fin à presque un millénaire de monarchie absolue.

Le succès de La Marseillaise est tel qu'elle est reconnue le 14 juillet 1795 comme l'un des «airs et chants civiques qui ont contribué au succès de la Révolution», avant d'être interdite par Napoléon pendant près de trente ans! La deuxième révolution de 1830 la remet sur le devant de la scène, avant qu'elle ne soit décrétée hymne national sous la troisième République (1879). Son passage à la postérité était assuré. Et pourtant, il n'existait encore aucune version officielle de La Marseillaise, ce qui provoquait régulièrement de jolis désordres musicaux lors de son exécution.

Une écriture à plusieurs mains

On ne sait pas exactement de qui (ou de quoi) Rouget de Lisle tira son inspiration. Certains s'accordent à dire que les premières paroles du chant («Aux armes citoyens, Formez vos bataillons, Marchons!») évoquent le slogan d'une affiche publicitaire incitant à s'engager, que l'officier aurait croisé en quittant la maison du Baron de Dietrich. D'autres, qu'il se serait inspiré des écrits de Voltaire ou des vers de Boileau («Et leurs corps pourris dans nos plaines / N'ont fait qu'engraisser nos sillons» peut-on lire dans une ode de 1656). Troisième hypothèse, défendue par l'écrivain suisse Claude Mossé: la musique serait issue du premier mouvement du concerto pour piano n°25 de Mozart, composé huit ans plus tôt, - ce qui, soit dit en passant, ferait de La Marseillaise un hymne autrichien. On vous met toutefois au défi de la reconnaître...

Le chant n'eut pas plus tôt fait le tour de France qu'il fut remanié, modifié, allongé d'un septième couplet (aujourd'hui connu comme «le couplet des enfants»), probablement coécrits par le dramaturge Marie-Joseph Chénier (le frère du célèbre poète) et du juriste Jean-Baptiste Dubois. Déjà, La Marseillaise ne cessait d'être reprise et réécrite, dans des buts aussi éclectiques que lutter contre le cléricalisme aux élections législatives de 1881 («Aux urnes citoyens, Contre les cléricaux, Votons, votons, et que nos voix dispersent les corbeaux»), commémorer la victoire russe sur les troupes napoléoniennes en 1812 («L'Ouverture solennelle» pour orchestre de Tchaïkovski, 1882), ou plus simplement lancer un single en devenir (le très fameux «All You Need Is Love» des Beatles).

Quoi qu'il en soit, Rouget de Lisle termina sa vie ruiné, emprisonné pour dettes et oublié de tous. La France ne rendit justice à son héros que bien tard, en 1915, quand ses cendres furent transférées aux Invalides lors d'une procession grandiose, dans l'espoir de renforcer l'élan patriotique nécessaire à la victoire. Il fut déposé au caveau des gouverneurs, «où il restera jusqu'à ce que soit votée la loi qui permettra de le transférer au Panthéon» écrit Le Figaro du 15 juillet 1915. Rouget de Lisle y repose encore, tous les présidents qui se sont essayés au transfert ayant échoué.

● Un hymne national très controversé

Aujourd'hui, La Marseillaise n'en finit pas de déchaîner les passions les plus contradictoires. Entre ceux qui veulent imposer son apprentissage à tous, ceux qui la sifflent pour signifier leur aversion envers la France et ceux qui veulent la faire interdire, on ne sait plus quoi penser. Rendue obligatoire à l'école primaire par Charles de Gaulle, elle a été immunisée contre les sifflements en 2003, un délit passible de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende. Les supporters n'ont qu'à bien se tenir.

Il est vrai que ses paroles sont quelque peu datées, qu'elles correspondent au temps où de féroces soldats venaient piller et tuer jusque dans nos campagnes. S'il n'en est plus rien, ce chant n'en reste pas moins un hymne à la liberté, une résistance à l'oppression et à l'esclavage, que l'on trouve encore malheureusement trop sous d'autres cieux que les nôtres.

Longtemps critiqué sans jamais être modifié, ce refrain patriotique est solidement ancré dans la culture et l'histoire françaises. On ne change pas un patrimoine en un claquement de doigts, même si bon nombre d'artistes ont essayé. De Serge Gainsbourg à Léo Ferré, en passant par George Brassens, chacun y est allé de son couplet. Et Pierre Desproges d'ajouter: «Si les ministères concernés m'avaient fait l'honneur de solliciter mon avis, quant aux paroles de la Marseillaise, j'eusse depuis longtemps déploré que les soldats y mugissent et préconisé vivement que les objecteurs y roucoulassent, que les bergères y fredonnassent et que les troubadours y complussent», s'amuse-t-il en 1986. Mais La Marseillaise tient bon, elle a traversé les âges, elle tiendra encore un temps. Au moins jusqu'à demain.

REFRAIN

Aux armes, citoyens !
 Formez vos bataillons !
 Marchons, marchons !
 Qu'un sang impur...
 Abreuve nos sillons !

COUPLETS

I

Allons ! Enfants de la Patrie !
 Le jour de gloire est arrivé !
 Contre nous de la tyrannie,
 L'étendard sanglant est levé ! (Bis)
 Entendez-vous dans les campagnes
 Mugir ces féroces soldats ?
 Ils viennent jusque dans vos bras
 Égorger vos fils, vos compagnes
 
 REFRAIN

II

Que veut cette horde d'esclaves,
 De traîtres, de rois conjurés ?
 Pour qui ces ignobles entraves,
 Ces fers dès longtemps préparés ? (Bis)
 Français ! Pour nous, ah ! Quel outrage !
 Quels transports il doit exciter ;
 C'est nous qu'on ose méditer
 De rendre à l'antique esclavage !
 
 REFRAIN

III

Quoi ! Des cohortes étrangères
 Feraient la loi dans nos foyers !
 Quoi ! Des phalanges mercenaires
 Terrasseraient nos fiers guerriers ! (Bis)
 Dieu ! Nos mains seraient enchaînées !
 Nos fronts sous le joug se ploieraient !
 De vils despotes deviendraient
 Les maîtres de nos destinées !
 
 REFRAIN

IV

Tremblez, tyrans et vous, perfides,
 L'opprobre de tous les partis !
 Tremblez ! Vos projets parricides
 Vont enfin recevoir leur prix. (Bis)
 Tout est soldat pour vous combattre.
 S'ils tombent, nos jeunes héros,
 La terre en produit de nouveaux
 Contre vous tout prêts à se battre.
 
 REFRAIN

V

Français, en guerriers magnanimes
 Portons ou retenons nos coups !
 Épargnons ces tristes victimes,
 A regret, s'armant contre nous ! (Bis)
 Mais ce despote sanguinaire !
 Mais ces complices de Bouillé !
 Tous ces tigres qui, sans pitié,
 Déchirent le sein de leur mère !
 
 REFRAIN

VI

Amour sacré de la Patrie
 Conduis, soutiens nos bras vengeurs !
 Liberté ! Liberté chérie,
 Combats avec tes défenseurs ! (Bis)
 Sous nos drapeaux que la Victoire
 Accoure à tes mâles accents !
 Que tes ennemis expirants
 Voient ton triomphe et notre gloire !
 
 REFRAIN

***

COUPLET DES ENFANTS

Nous entrerons dans la carrière,
 Quand nos aînés n'y seront plus ;
 Nous y trouverons leur poussière
 Et la trace de leurs vertus. (Bis)
 Bien moins jaloux de leur survivre
 Que de partager leur cercueil
 Nous aurons le sublime orgueil
 De les venger ou de les suivre.
 
 REFRAIN

Le Chant des partisans, ou Chant de la libération, est l’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à la Française Anna Marly, ancienne émigrée russe qui en 1940 avait quitté la France pour Londres.

Le , la mélodie, sifflée, devient l'indicatif d'une émission de la France libre diffusée par la BBC. Les paroles en français sont écrites le  par Joseph Kessel, également d’origine russea, et son neveu Maurice Druon qui venaient tous deux de rejoindre les Forces françaises libresGermaine Sablon, alors compagne de Kessel, en sera la créatrice en l'interprétant dès le lendemain dans le film de propagande Three Songs about Resistance.

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
Ohé, partisans, ouvriers et paysans c'est l'alarme
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.
Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
Ohé, les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite,
Ohé, saboteurs, attention à ton fardeau, dynamite.
C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
II y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves
Ici, nous, vois-tu, nous on marche, nous on tue ou on crève.
Ici, chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe
Ami, si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place,
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur nos routes
Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute.
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine

LE CHANT DES PARTISANS

Musique et roman

Karl HuysmansA rebours

Il s'était donc résolument écarté de l'art musical, et, depuis des années que durait son abstention, il ne se rappelait avec plaisir que certaines séances de musique de chambre où il avait entendu du Beethoven et surtout du Schumann et du Schubert qui avaient trituré ses nerfs à la façon des plus intimes et des plus tourmentés poèmes d'Edgar Poe.

Certaines parties pour violoncelle de Schumann l'avaient positivement laissé haletant et étranglé par l'étouffante boule de l'hystérie ; mais c'étaient surtout des lieders [sic] de Schubert qui l'avaient soulevé, jeté hors de lui, puis prostré de même qu'après une déperdition de fluide nerveux, après une ribote mystique d'âme.

Cette musique lui entrait, en frissonnant, jusqu'aux os et refoulait un infini de souffrances oubliées, de vieux spleen, dans le cœur étonné de contenir tant de misères confuses et de douleurs vagues. Cette musique de désolation, criant du plus profond de l'être, le terrifiait en le charmant. Jamais, sans que de nerveuses larmes lui montassent aux yeux, il n'avait pu se répéter « les Plaintes de la jeune fille », car il y avait dans ce lamento, quelque chose de plus que de navré, quelque chose d'arraché qui lui fouillait les entrailles, quelque chose comme une fin d'amour dans un paysage triste.

Et toujours lorsqu'elles lui revenaient aux lèvres, ces exquises et funèbres plaintes évoquaient pour lui un site de banlieue, un site avare, muet, où, sans bruit, au loin, des files de gens, harassés par la vie, se perdaient, courbés en deux, dans le crépuscule, alors qu'abreuvé d'amertumes, gorgé de dégoût, il se sentait, dans la nature éplorée, seul, tout seul, terrassé par une indicible mélancolie, par une opiniâtre détresse, dont la mystérieuse intensité excluait toute consolation, toute pitié, tout repos. Pareil à un glas de mort, ce chant désespéré le hantait, maintenant qu'il était couché, anéanti par la fièvre et agité par une anxiété d'autant plus inapaisable qu'il n'en discernait plus la cause. Il finissait par s'abandonner à la dérive, culbuté par le torrent d'angoisses que versait cette musique tout d'un coup endiguée, pour une minute, par le chant des psaumes qui s'élevait, sur un ton lent et bas, dans sa tête dont les tempes meurtries lui semblaient frappées par des battants de cloches.

Marcel ProustDu côté de chez Swann 

Or, quelques minutes à peine après que le petit pianiste avait commencé de jouer chez Mme Verdurin, tout d’un coup après une note haute longuement tenue pendant deux mesures, il vit approcher, s’échappant de sous cette sonorité prolongée et tendue comme un rideau sonore pour cacher le mystère de son incubation, il reconnut, secrète, bruissante et divisée, la phrase aérienne et odorante qu’il aimait. Et elle était si particulière, elle avait un charme si individuel et qu’aucun autre n’aurait pu remplacer, que ce fut pour Swann comme s’il eût rencontré dans un salon ami une personne qu’il avait admirée dans la rue et désespérait de jamais retrouver. A la fin, elle s’éloigna, indicatrice, diligente, parmi les ramifications de son parfum, laissant sur le visage de Swann le reflet de son sourire. Mais maintenant il pouvait demander le nom de son inconnue (on lui dit que c’était l’andante de la sonate pour piano et violon de Vinteuil), il la tenait, il pourrait l’avoir chez lui aussi souvent qu’il voudrait, essayer d’apprendre son langage et son secret.

 

 

A son entrée, tandis que Mme Verdurin montrant des roses qu’il [Swann] avait envoyées le matin lui disait : « Je vous gronde » et lui indiquait une place à côté d’Odette, le pianiste jouait pour eux deux, la petite phrase de Vinteuil qui était comme l’air national de leur amour. Il commençait par la tenue des trémolos de violon que pendant quelques mesures on entend seuls, occupant tout le premier plan, puis tout d’un coup ils semblaient s’écarter et comme dans ces tableaux de Pieter De Hooch, qu’approfondit le cadre étroit d’une porte entr’ouverte, tout au loin, d’une couleur autre, dans le velouté d’une lumière interposée, la petite phrase apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un autre monde. Elle passait à plis simples et immortels, distribuant çà et là les dons de sa grâce, avec le même ineffable sourire ; mais Swann y croyait distinguer maintenant du désenchantement. Elle semblait connaître la vanité de ce bonheur dont elle montrait la voie. Dans sa grâce légère, elle avait quelque chose d’accompli, comme le détachement qui succède au regret. Mais peu lui importait, il la considérait moins en elle-même,—en ce qu’elle pouvait exprimer pour un musicien qui ignorait l’existence et de lui et d’Odette quand il l’avait composée, et pour tous ceux qui l’entendraient dans des siècles—, que comme un gage, un souvenir de son amour qui, même pour les Verdurin que pour le petit pianiste, faisait penser à Odette en même temps qu’à lui, les unissait ; c’était au point que, comme Odette, par caprice, l’en avait prié, il avait renoncé à son projet de se faire jouer par un artiste la sonate entière, dont il continua à ne connaître que ce passage. « Qu’avez-vous besoin du reste ? lui avait-elle dit. C’est ça notre morceau. » Et même, souffrant de songer, au moment où elle passait si proche et pourtant à l’infini, que tandis qu’elle s’adressait à eux, elle ne les connaissait pas, il regrettait presque qu’elle eût une signification, une beauté intrinsèque et fixe, étrangère à eux, comme en des bijoux donnés, ou même en des lettres écrites par une femme aimée, nous en voulons à l’eau de la gemme, et aux mots du langage, de ne pas être faits uniquement de l’essence d’une liaison passagère et d’un être particulier

 

Le temps retrouvé - Raoul Ruiz -Sonate de Vinteuil- Proust

Boris Vian, L'écume des jours

« – Prendras-tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianocktail est achevé, tu pourrais l’essayer.
– Il marche ? demanda Chick.
– Parfaitement. J’ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J’ai obtenu, à partir, de la Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.
– Quel est ton principe ? demanda Chick.
– A chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Selbtz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire l’unité, à la ronde le quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée – ce qui donnerait un cocktail trop abondant – mais la teneur en alcool. Et, suivant la durée de l’air, on peut, si l’on veut, faire varier la valeur de l’unité, la réduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les harmonies au moyen d’un réglage latéral.
– C’est compliqué, dit Chick.
– Le tout est commandé par des contacts électriques et des relais. Je ne te donne pas de détails, tu connais ça. Et d’ailleurs, en plus, le piano fonctionne réellement.
– C’est merveilleux ! dit Chick.
– Il n’y a qu’une chose gênante, dit Colin, c’est la pédale forte pour l’œuf battu. J’ai dû mettre un système d’enclenchement spécial, parce que lorsqu’on joue un morceau trop « hot », il tombe des morceaux d’omelettes dans le cocktail, et c’est dur à avaler. Je modifierai ça. Actuellement, il suffit de faire attention. Pour la crème fraîche, c’est le sol grave.
– Je vais m’en faire un sur Loveless Love, dit Chick. Ça va être terrible.
-Il est encore dans le débarras dont je me suis fait un atelier, dit Colin, parce que les plaques de protection ne sont pas vissées. Viens, on va y aller. Je le règlerai pour deux cocktails de vingt centilitres environ, pour commencer.

Chick se mit au piano. A la fin de l’air, une partie du panneau de devant se rabattit d’un coup sec et une rangée de verres apparut. Deux d’entre eux étaient pleins à ras bord d’une mixture appétissante.
– J’ai eu peur, dit Colin. Un moment, tu as fait une fausse note. Heureusement, c’était dans l’harmonie.
– Ça tient compte de l’harmonie ? dit Chick.
– Pas pour tout, dit Colin. Ce serait trop compliqué. Il y a quelques servitudes seulement. Bois et viens à table. »

MOOD INDIGO - The Pianocktail - Film Clip

« La musique est partout , elle contient tout. Elle est dans le mouvement des arbres, dans la présence des oiseaux". ,La vie est plus  belle en musique ,  Claire Marie Le Guay, 2018

 

Document 1 :

Paysage rythmique, quand la peinture et la musique se rencontrent,  Laura Bourdon • le 19 octobre 2016, Beauxarts

https://www.beauxarts.com/expos/paysage-rythmique-quand-la-peinture-et-la-musique-se-rencontrent/

Paysages Rythmiques, Peinture par Keip | Artmajeur

Paysage Rythmique, Technique mixte, 190 × 100cm © Bruno Keip

Dans le cadre du Salon Réalités Nouvelles, l’un des tout derniers salons entièrement géré par les artistes et dédié au courant de l’abstraction, visible jusqu’à la fin du week-end au Parc Floral de Paris, exponaute a décerné un Prix à l’artiste Bruno Keip pour son œuvre intitulée Paysage Rythmique.

« Je considère la musique comme un art abstrait, et ce qui m’inspire dans ma démarche actuelle c’est l’interaction visuelle et sonore. Cela me permet de créer mon propre langage. Peindre est pour moi le prolongement des sons dans l’espace et le temps », Bruno Keip.

[…]

Petit à petit, Bruno Keip forge sa propre pratique picturale en lien avec la musique, travaillant de concert avec un compositeur en orchestre symphonique. Associer la musique est aujourd’hui devenu presque incontournable, lorsqu’il s’agit d’illustrer le propos créatif par une ambiance ; cela l’est bien moins lorsqu’il s’agit, vraiment, de tenter de « peindre la musique », de « jouer la peinture » comme autant d’émotions qu’elles expriment.

Or « Peindre la musique », c’est ce que fait Bruno Keip depuis toujours. Depuis une trentaine d’années, l’artiste résout à sa manière les équations émotionnelles posées par les sonorités, à travers des séries de peintures aux noms évocateurs : Equilibre sonoreSonoritésEcritures RythmiquesPartitions, et celle à laquelle nous nous sommes particulièrement intéressés, puisque célébré par un prix, Paysage Rythmique.

« En écoutant (…) les œuvres d’Henri Dutilleux, et en suivant les mouvements musicaux avec la partition d’orchestre, j’ai été étonné de constater que les gestes qui accompagnent la musique sont similaires aux miens lorsque je peins. Le peintre, comme le musicien, trace des lignes, des traits, dans une action physique qui a un rapport étroit avec la respiration et la conscience d’une tension musculaire ».

S’inspirant d’illustres compositeurs comme Olivier Maessian et le Quatuor pour la Fin du Temps, Bela Bartók ou encore Stravinsky, Bruno Keip se saisit de la musique comme d’une source subjective de sensations et de pensées, qu’il traduit dans la peinture. L’artiste travaille véritablement la partition, qu’il lit, décortique et déconstruit à son gré afin de recréer quelque chose de nouveau. La peinture est pour l’artiste, un prolongement des sons dans l’espace et le temps.

[…]

Pour Bruno Keip, chaque sonorité est égale à un trait, tout comme chaque trait est égal à une sonorité, créant par là-même sa propre calligraphie de la musique, sa propre partition sonore.

 

Document 2 :

 Le danseur et le musicien, une connivence nécessaire, Anca Giurchescu, Traduction de Ramèche Goharian

https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/99

Le débat sur le rapport entre la danse et la musique de danse provient d’un choix culturel déterminé, caractéristique du concept européen de folklore. Les deux formes artistiques se trouvent ici arbitrairement isolées des autres modes d’expression humaine avec lesquelles elles coexistent et établissent des échanges dans un contexte social donné.

               Envisagée dans une perspective diachronique[K1] , la danse apparaît comme un phénomène artistique complexe qui, dans les cultures traditionnelles, se trouve intimement lié à d’autres genres et à d’autres modes d’expression d’origines diverses. On peut imaginer qu’à ses débuts la danse impliqua une combinaison indifférenciée de mouvements corporels, de gestes et d’exclamations syllabiques à forte consonance musicale. Lorsque cet « amalgame » indifférencié donna naissance à la danse, à la musique et à la poésie dans des modalités expressives au contour plus précis, ces formes d’art eurent, toutes ensemble ou certaines d’entre elles, une existence syncrétique. [K2] C’est ce que l’on observe encore aujourd’hui en étudiant une culture traditionnelle. Avec le temps, chacun de ces genres artistiques est devenu autonome et autosuffisant ou, en d’autres termes, aucun de ces modes fondamentaux d’expression ne peut contribuer à la définition d’un autre mode. Ce qui unifie la danse (mouvement corporel organisé dans l’espace), le texte (émission de syllabes organisées) et la musique (sons organisés dans le temps), c’est le rythme, défini par Platon comme « l’ordre du mouvement » (Ciobanu 1979). C’est donc grâce au rythme que ces trois phénomènes artistiques essentiels peuvent, dans certains cas, exister et établir des échanges dans un syncrétisme qui est profondément enraciné dans l’histoire de la culture. Le terme musikë d’où dérive notre mot musique recouvrait chez les anciens grecs le sens global de chanter, réciter de la poésie, mouvoir le corps, danser et manipuler des instruments (Stockmann 1985 : 17). De même le terme choros qui, de nos jours, désigne seulement la danse, vient de choreia qui signifiait à la fois l’unité de la danse et du chant et le groupe d’artistes qui les interprétaient (Michaelides 1978)1. L’utilisation des mots pous en grec et pes en latin qui veulent dire pied illustrent le rôle essentiel que joue le mouvement dans la structure métrique des vers (Sachs 1953 : 38).

Avec le temps, l’amalgame [K3] indifférencié et fondamental se désintégra et, dans le cas de la tradition culturelle européenne, il ne reste plus que quelques exemples du syncrétisme originel. On peut le retrouver dans certains jeux d’enfants et dans des jeux chantés basés essentiellement sur le mouvement. Cependant les formes artistiques autonomes comme la musique, la danse et la poésie peuvent s’associer à nouveau dans des contextes sociaux traditionnels selon leur affinité initiale (Mîrza 1972 : 235)

La pertinence de la relation danse-musique n’apparaît pas de la même façon dans toutes les cultures et dans tous les contextes sociaux-culturels. Par essence, cette relation est culturellement déterminée : il existe de nombreux exemples de danse sans musique et de musique de danse interprétée sans la danse dans les contextes artistiques traditionnels ou classiques. Si nous limitons nos exemples à la tradition culturelle européenne où, comme nous l’avons déjà indiqué, la relation entre la musique et la danse joue un rôle de première importance, l’absence de musique d’accompagnement pour la danse prend un sens très particulier. D’un point de vue historique, par exemple, l’absence totale de chant et d’instruments de musique pour accompagner la danse « silencieuse » d’un couple ou d’une chaîne de danseurs mixtes au Monténégro et en Macédoine est interprétée comme le symbole de la domination turque au XVIe siècle, lorsque les autochtones [K4] n’avaient pas le droit de danser.

 

K1]Qui est relatif à l'évolution dans le temps

 [K2]Synthèse de deux ou plusieurs traits culturels d'origine différente, donnant lieu à des formes culturelles nouvelles

 [K3]Mélange d'éléments divers

 [K4]Originaire du pays qu'il habite, dont les ancêtres ont vécu dans ce pays

 

  • Document 3 : La « matière » sonore : propositions de détournement des propriétés solides de l'architecture, Carlotta Daro, in Rue Descartes, 2007

« Le rapport entre la matière et le son : le mystère de l’acoustique »

              

               La science de l’acoustique est une branche de la physique qui étudie les sons et le mouvement mécanique des ondes sonores. On fait remonter le début de l’acoustique des salles à l’année 1900, date à laquelle le physicien américain Wallace Clement Sabine publie un article « Reverberation » qui pose les bases scientifiques de ce domaine. Il y souligne les rapports qui existent entre matière solide et propagation sonore, entre les objets, l’espace et ces forces impalpables que sont les ondes sonores.

               Ces études théoriques qui commencent à délimiter un champ de spécialité n’empêcheront pas qu’au xxe siècle, un architecte d’importance comme Adolf Loos aborde le sujet de l’acoustique des salles de musique de façon très ingénue, laissant libre cours à son imagination en élaborant une conception « matérielle » (et très personnelle) du son. Dans le texte Le mystère de l’acoustique, écrit en 1912 à l’occasion d’une querelle sur la décision de garder ou d’abattre la salle Bösendorfer de Vienne (construite en 1872), il souligne les difficultés que rencontrent les architectes face aux préoccupations acoustiques : « Le problème de l’acoustique préoccupe depuis des siècles les architectes. Ils s’efforcèrent de le résoudre par la construction. Ils dessinèrent des lignes droites, de la source du son jusqu’au plafond, en pensant que comme une boule de billard il serait envoyé par la bande pour prendre de là un nouveau chemin. Mais tous ces raisonnements sont absurdes. Car l’acoustique d’une salle n’est pas une question d’espace, mais une question de matériau. »

Loos soutient les partisans de la conservation de la salle car, à son avis, elle possède une acoustique parfaite. Il affirme que même en construisant une salle aux mêmes dimensions, formes et matériaux, l’acoustique serait différente, c’est-à-dire mauvaise. Mais qu’entend-il exactement par matériau ?

« Le matériau de la salle a changé. Ce matériau n’a absorbé que de la bonne musique pendant quarante ans, il s’est imprégné des sons de nos philharmonistes et des voix de nos chanteurs. Une telle imprégnation produit de mystérieuses mutations moléculaires, que nous n’avons pu observer jusqu’ici que sur le bois des violons. »

Comme dans le mythe d’Amphion , la musique serait capable de transformer physiquement la matière, de construire ou, dans ce cas, de conférer à l’architecture la forme appropriée pour une acoustique dite parfaite. La rigueur et l’imagination de Loos le portent à définir aussi une échelle de valeurs dans les timbres des instruments musicaux. Seule la « bonne » musique possède ces propriétés mystérieuses et puissantes : « Pour conférer à une salle une bonne acoustique faut-il donc y jouer de la musique ? Non, cela ne suffit pas. Il faut y jouer de la bonne musique. Car on peut tromper les âmes des hommes, mais non pas l’âme du matériau. Les salles où on n’a joué que de la musique de cuivre garderont toujours une mauvaise acoustique. L’âme du matériau est si sensible qu’il suffirait de faire éclater des fanfares pendant huit jours dans la salle de Bösendorfer pour que sa célèbre acoustique s’en allât immédiatement au diable. »

Cette théorie apparemment fantaisiste d’Adolf Loos se fonde sur l’idée que la matière peut conserver la mémoire des sonorités accueillies, au point de pouvoir retrouver les traces de ce phénomène évanescent qu’est le son. Le mystère de l’acoustique reposerait donc sur une énergie impalpable, de ce fait non mesurable, qui pourrait aussi bien déplacer les pierres que transformer la matière.

               Le texte d’Adolf Loos – qui par ailleurs souffrait de surdité ! – est pourtant passionnant. Derrière son ingénuité apparente, il nous indique une direction d’analyse intéressante qui considère le phénomène sonore comme une force constituante de l’architecture et non comme une nuisance. Cette idée nous questionne sur les qualités matérielles du son et sur ses pouvoirs « édificateurs » en relation avec l’architecture.


 
 
 

Musique et numérique

 

Comment distribuer et vendre sa musique en ligne? Tout ce que vous devez  savoir! | MusicDiffusion®

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20140930trib37f6eaacd/la-musique-un-revelateur-de-la-mondialisation.html

French Touch, house, minimale, dubstep, grunge... La database de Spotify permet d'analyser la diffusion dans le monde des genres musicaux, d'identifier les "métropoles d'influences". Les résultats des analyses effectuées placent la musique comme produit-témoin privilégié de la mondialisation. Explications.

La mondialisation - cela n'est pas un mystère - est une histoire de pouvoir, d'espace et de pôles. En tant que « produit marchand », la musique n'y échappe pas. Mieux encore, elle est un témoin privilégié de la polarisation et de la diffusion d'influence dans certaines métropoles.

pour détailler les sphères d'influence des genres musicaux issus de Londres, Paris et Berlin.

Une diffusion numérique de la musique ...

Le numérique a permis la diffusion des nouveaux courants musicaux : « French Touch », house, minimale, dubstep, grunge, etc. Tous ont bénéficié d'une diffusion d'un nouveau genre, permise par Internet.

Et le streaming musical tient un rôle majeur dans ce phénomène de « musique mondialisée ». La dématérialisation du support a engendré son essor fulgurant en même temps que la chute du CD. Spotify, dont les données ont permis d'établir ce panorama des métropoles d'influence des genres musicaux, en est le n°1 mondial. Cette activité, qui compte comme autres représentants de taille Soundcloud et Pandora et s'est considérablement développée ces dernières années, a le vent en poupe. Spotify s'est même offert le luxe de refuser une offre entre 4 et 5 milliards d'euros de la part de Google, fixant son prix au double.

... Qui observe les schémas typiques de la mondialisation de l'espace

  • Une musique "mondialisée" et non "mondiale"

Il n'est pas question pour les genres musicaux étudiés de parler de musique "mondiale" au sens qu'elle serait écoutée partout, qu'elle aurait une portée universelle. Cette étude tend justement à montrer que leur diffusion va observer une trajectoire différente en fonction de leur territoire d'origine. La musique est "mondialisée" par le numérique, car elle s'échange plus et plus rapidement. Mais ce partage n'est pas instantané, planétaire et uniformisé. Il observe des dynamiques typiques de la mondialisation, centres vers périphéries.

  • Des centres : les métropoles occidentales

Paris, Londres, Berlin n'ont pas été choisies au hasard par l'étude. Capitales européennes, elles forment des centres culturels majeurs qui étendent leur rayonnement dans leur environnement proche (région, pays entier) de prime abord. Grâce à cet ancrage "local" - à l'échelle de la mondialisation - ces métropoles ont pu développer leur influence à l'international, dans des territoires de prédilection.

  • Des périphéries : l'Asie, l'Eurasie, les zones du monde les moins "occidentales"

Ce n'est pas une surprise d'observer que le rayonnement de la musique issue de ces "capitales de l'Occident" reste très marginal en Asie ou encore en Russie. Ce que les résultats de l'étude de Spotify nous montrent, c'est qu'à partir du moment où l'on parle de "genre" musical, on parle également de "culture" : les langues, les modes de vie et la structure de la vie musicale dans les différentes zones du monde ont une incidence décisive, comme le montrait une étude de Richard Letts du Conseil de la Musique de l'Australie, en 2003 déjà.

Les voix s'élèvent pourtant depuis plusieurs années pour dénoncer l'uniformisation à outrance de la musique et de l'écoute musicale. L'ethnomusicologue français Jean During explique, dans son étude de 2007 L'oreille musicale et la voix de l'Orient, que les « formes musicales » ont, de tout temps, « rayonné depuis leur foyer initial pour se fondre dans d'autres formes, constituant de grands espaces musicaux relativement homogènes ». A ses yeux, l'industrialisation de la musique a néanmoins changé la donne. La musique s'est simplifiée. Sous cette forme sans nuance, sans intervalles, elle menace d'un "effacement des singularités" et d'un "aplatissement des cultures". L'étude d'Eliot Van Buskirk pour le Spotify Insight Data Blog tend, au contraire, à approuver la tendance de l'histoire longue décrite dans un premier temps par Jean During, celle de la formation de grands espaces aux genres musicaux similaires.

Le clivage Orient/Occident se trouve ainsi ressuscité par cette étude de données à échantillon considérable ... pour ce qui est de la musique, en tout cas.

  • Des "prés carrés" bien identifiés et différenciés
 

Cette étude géographique ne démontre pas seulement la diffusion accrue des genres musicaux des trois capitales européennes dans le monde entier. Elle illustre un phénomène de « sphères » d'influence bien différenciées entre elles, qui n'est pas sans rappeler certaines polarisations historiques.

Berlin, au plus près de ses murs (influence 28 métropoles)

"Plus précisément, la musique de Berlin a tendance à rester près de chez elle" explique Ajay Kalia, responsable des Taste Profiles à Spotify. Par exemple, la « techno minimale », dont Berlin est le centre névralgique, se diffuse principalement en Europe où elle fait fureur. Mais ce genre qui est parvenu à se construire une identité propre très « hype » et qui mobilise de nombreux adeptes, semble moins accessible. C'est sans doute pourquoi il reste majoritairement cantonné aux frontières européennes.

Londres et la persistance du Commonwealth (influence 46 métropoles)

Londres est la championne toutes catégories des métropoles de la mondialisation musicale. La bass music, le british indie rock, le pub rock ou encore le UK Garage (cités par l'étude) sont les genres les plus mondialement connus et diffusés. Mais l'étude de Spotify exhibe une caractéristique non forcément anticipée. Les principales métropoles influencées sont anglophones, et d'anciennes possessions britanniques : Etats-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande.

Paris, la mondialiste (influence 35 métropoles)

Si les genres musicaux londoniens se sont diffusés dans le plus grand nombre de métropoles, ce sont les genres parisiens qui se sont dispersés de la manière la plus variée géographiquement. Daft Punk, Phoenix, Air d'un côté, Justice, Kavinsky de l'autre, ont dépassé les frontières européennes, et touché l'Amérique Nord et du Sud (où le yéyé a connu une exposition extraordinaire malgré la langue), l'Australie et l'Asie du Sud-Est. Finalement, les genres musicaux de Paris seraient les plus « exotiques ». C'est Spotify qui le dit.

Étude originelle : "How Music Migrated from Berlin, London and Paris" by Eliot Van Buekirk - Spotify Insight Data Blog

 

Trois en particulier ont été étudiées par Eliot Van Buskirk. Cet ancien du magazine Wired s'est servi de Spotify Insight Data Blog, la nouvelle plateforme de Spotify - le service de streaming musical gratuit - et de sa filiale The Echo Nest, dédiée aux recherches et analyses dans le domaine musical,

https://www.lemonde.fr/blog/binaire/2018/06/21/en-avant-la-musique-numerique/

https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2014-02-0014-002

Musique et cinéma

Scène d'Amadeus - Il y a trop de notes

Bird - Bande-annonce

WHIPLASH un film de Damien Chazelle - Bande-annonce - HD - AD VITAM

❤ LA LEÇON DE PIANO Bande Annonce VF 1993 HD

PHANTOM OF THE PARADISE Bande Annonce VOST

Bande-annonce : 8 mile

Le Pianiste - La Bande Annonce VF

Tous les matins du monde (1991) bande annonce

 Le cinéaste Alain Corneau

1) Les adaptations

Passionné de musique, au point que sa vie demeure partagée entre la musique et le cinéma, Alain Corneau a longtemps caressé le désir de réaliser un film sur cet art. À ses débuts, son œuvre est fortement marquée par le cinéma américain et par un goût pour les films noirs. Il débute par le genre policier Très vite, pourtant, il s’essaie à des genres variés et se révèle dans des adaptations d’œuvres romanesques :

2) La musique

 C’est son désir de réaliser un film dont le personnage principal serait la musique qui l’a poussé à rencontrer Pascal Quignard. Ce dernier refusa d’écrire un scénario mais proposa à Alain Corneau d’écrire un roman qui pourrait être adapté au cinéma : ce fut Tous les matins du monde. Tous deux élaborèrent le scénario à partir du roman. Les dialogues, souvent très proches de ceux du roman, sont signés Pascal Quignard. À la différence des autres textes sur lesquels s’est appuyé Alain Corneau, Tous les matins du monde a donc été écrit dans la pensée du cinéma. En 2004, il reçoit le Prix René Clair. Il renoue ensuite avec la veine intimiste et les personnages silencieux dans Les Mots bleus (2005)

Une histoire de musique

Ce drame historique permet de découvrir tout en finesse la musique baroque par l’intermédiaire de celui qui l’incarne le mieux : M. de Sainte Colombe. Cet homme austère, farouche, particulièrement sombre, était au XVIIe siècle, l’un des plus grands maîtres de la viole de gambe. Il était aussi le professeur de viole de Marin Marais, prestigieux musicien de Louis XIV.

A la fin de sa vie quasiment monacale le compositeur, Marin Marais, violiste, se rappelle sa jeunesse, son apprentissage auprès de Monsieur de Sainte-Colombe et de ses deux filles, Madeleine et Toinette. Entre rudesse des heures d’apprentissage, des heures passées en religion, volonté de sortir des règles imposées par son maître et découverte de l’amour, de l’amour de l’art, Marin Marais devient l’un des plus grands compositeurs de tous les temps.

La musique

La musique baroque concerne une période d’environ 150 ans, de 1600 à 1750. Elle suit la période de la Renaissance et  précède la période dite classique qui sera représentée en particulier par Haydn, Mozart et Beethoven.

Voici comment Jean-Jacques Rousseau définissait la musique baroque dans son dictionnaire de musique en 1768 : « Une musique baroque est celle dont l'harmonie est confuse, chargée de modulations et dissonances, le chant dur et peu naturel, l'intonation difficile, et le mouvement contraint. »

Pas très encourageant, mais ce terme a depuis perdu son sens péjoratif, et s’applique maintenant à toute la musique de cette période (y compris à celle de Jean-Jacques Rousseau).

Les musiciens baroques étaient considérés comme des artisans de la musique, plutôt que comme des artistes libres, créant et « fabriquant» de la musique pour leurs commanditaires : Eglise, rois ou maitres.  Bach, par exemple, par sa fonction de maitre de chapelle, devait écrire une cantate pour chaque dimanche de l’église de Leipzig.

 

La bande son reprend les plus belles pièces de Marin Marais ou de Monsieur de Sainte-Colombe, de François Couperin ou encore Lully. Adaptées, choisies ou créées par Jordi Savall, chaque partition sonne parfaitement juste sous l’archet de ce maître mondial du baroque, de la viole Chaque note prête à rêver de ce siècle austère tout autant que festif de Louis XIV.

Les chapitres du film

 1. La leçon de Marin Marais

 2. Monsieur de Sainte Colombe (5’50’’)

 3. La cabane de musique (10’30’’)

4. De père en filles (16’30’’)

5. Le refus de la gloire (24’)

6. Une visiteuse inattendue (30’)

7. Le fils du cordonnier (35’)

8. Début de l’apprentissage (44’)

9. Des leçons à la dérobée (52’)

10. Un souvenir éternel (1 h 01)

11. Désillusion et ascension (1 h 06)

12. La dernière « Rêveuse » (1 h 14)

13. Les regrets et les pleurs (1 h 26)

14. Le maître et l’élève (1 h 34) 15. Le tombeau des regrets (1 h 40)

Le maître et l’élève

  1. Quelles sont les différentes figures de maître et d’élève qui peuplent le film ?  Comparez-les en fonction de la personnalité des maîtres et du rapport qu’ils entretiennent avec leur élève. Parmi eux, lesquels sont valorisés, lesquels sont plutôt dévalorisés ?

  1. Sainte Colombe est-il présenté comme un maître parfait dans le film ?

  1. En quoi Tous les matins du monde peut-il être interprété comme un récit d’apprentissage dans un sens  plus large que la simple initiation à la musique ?

  1. Comment peut-on comprendre la réponse de Sainte Colombe à Marin Marais « Monsieur, puis-je tenter une première leçon ? » (p. 77).

  1. Montrez en quoi la relation maître-élève repose sur une forme de tension, voire de violence, tantôt de la part du maître, tantôt de la part de l’élève

  1. Comment peut-on qualifier la leçon donnée par Sainte Colombe à Marin Marais : leçon de musique ou leçon de vie ?

Musique mondaine ou « leçon de ténèbres ?

  1. Comment la musique est-elle présente et comment est-elle mise en valeur? Appuyez-vous précisément sur la manière dont les scènes sont tournées dans le film

  1. La musique que l’on entend dans le film d’Alain Corneau est-elle toujours montrée à l’écran ? Comparez l’utilisation de la musique en in et en off. Appuyez-vous sur l’étude de passages précis. Analysez par exemple le passage dans le film (chap. 12 : 1 h 20 à 1 h 26).

  1. Relevez les différentes définitions de la musique telles qu’elles sont formulées par Sainte Colombe. Quelle conception a-t-il de cet art ?

  1. Comparez la conception de la musique selon Sainte Colombe à la manière dont Marin Marais en parle et la pratique. Quelles scènes de musique montrent l’opposition entre ces deux conceptions ?

  1. En quoi peut-on dire que la pratique de la musique est présentée comme une « leçon de ténèbres », comme une pensée de la mort ?

  1. À quel célèbre mythe antique renvoie l’oeuvre ? Quel sens cela donne-t-il au récit ?

Comparez les génériques de début et de fin du film : comment peut-on les interpréter ? Quel trajet suggèrent-ils ?

Florence Foster Jenkins - Bande-annonce VOST

Mélodie pour un tueur (Fingers) - James Toback (trailer)

 

Le mystère de la musique dans nos cerveaux

La musique accompagne nos vies, de la naissance à nos dernières heures et en scande les étapes les plus fondamentales. Bien avant de naître, le bébé mémorise les œuvres musicales et peut ensuite les reconnaître un an après sa naissance, même lorsqu'elles n'ont jamais été rejouées. Le petit d'homme préfère entendre la voix de sa maman chantée que parlée. Le bébé est également capable d'analyser des organisations musicales surprenantes, inexplicables par les seuls apprentissages précoces. À l'autre extrémité de la vie, la musique demeure une activité accessible dans les phases avancées des maladies neurodégénératives, alors que les autres activités, linguistiques notamment, disparaissent. Même aux stades ultimes de la maladie d'Alzheimer, la musique parvient encore à réveiller la mémoire et les émotions liées aux événements associés. Des patients atteints de cette maladie, âgés de 99 ans peuvent encore chanter avec une vitalité de jeunes gens les airs de Boire un petit coup c'est agréable ou La java bleue.

Ces observations, qui relient le bébé au vieillard, suffisent pour souligner l'immense pouvoir de la musique. Le bébé naît "musical" et sa vie entière est ensuite nourrie de sonorités qui impriment sa mémoire des émotions associées aux expériences jalonnant son existence. Le vieillard meurt "musical", car ces sonorités ont le pouvoir de synthétiser en quelques poignées de secondes l'ensemble des expériences vécues. Il n'est donc pas surprenant que la musique soit omniprésente dans notre société, et il en va ainsi dans toutes les cultures du monde, même dans celles qui restent préservées de l'invasion des nouvelles technologies du son. [...]

Et pourtant, nous aimons tous la musique. Voilà donc peut-être le dénominateur commun de toutes les musiques : l'émotion. La musique nous apporte de l'émotion de manière large et consensuelle. De fait, 30 années de recherches ont révélé que les émotions éprouvées par diverses personnes face à la musique sont très semblables. Dans une culture donnée, la plupart des gens répondent de la même façon à la question : trouvez-vous cette mélodie gaie ou triste ? En outre, ils se fondent sur les mêmes indices musicaux, à savoir le "mode" et le tempo. Ils trouvent gaie une musique jouée sur un mode majeur (la Petite Musique de nuit de Mozart...) et triste une musique jouée sur un mode mineur (Tristesse de Chopin...). Les musiques rapides (au tempo élevé) sont perçues comme gaies et celles au tempo lent comme plus tristes.

Même constat dans des cultures éloignées. En 2009, le neuroscientifique allemand Thomas Fritz s'est rendu au Cameroun pour rencontrer les Mafas, peuple des montagnes n'ayant jamais entendu de musique occidentale. Il leur a fait écouter des morceaux pour piano qui, pour des oreilles européennes, expriment la gaieté, la tristesse ou l'angoisse. Ensuite, il leur a montré des visages exprimant ces émotions tout en leur demandant d'indiquer l'expression correspondant à chaque extrait musical... Les Mafas ont alors désigné, sous ses yeux, le visage triste pour la musique triste, le visage gai pour la musique gaie, le visage apeuré pour la musique effrayante...

Universalité des émotions ? Peut-être, mais dans certaines limites fixées par la culture. Car si les Mafas identifient aisément la joie (d'après Fritz, parce que ces musiques ont un tempo rapide et qu'elles s'insèrent surtout dans les moments joyeux de la vie sociale), l'identification de la peur ou de la tristesse reste moins fiable – car il serait peu approprié pour un Mafa d'associer la musique à des événements tristes de l'existence.

Emmanuel Bigand, Les Bienfaits de la musique sur le cerveau, ed. Belin, 2018.

  1. Que nous dit ce texte sur le rapport de l’homme à la musique ? Relevez des phrases soutenant vos réponses
  2. Que nous dit ce texte sur les interactions entre le cerveau humain et la musique ? Relevez des phrases soutenant vos réponses
  1. Que nous dit ce texte sur le rapport de l’homme à la musique ? Relevez des phrases soutenant vos réponses
  2. Que nous dit ce texte sur les interactions entre le cerveau humain et la musique ? Relevez des phrases soutenant vos réponses
 
 

Corpus 1 : vers l’écriture l’écriture personnelle

Selon vous, le musique est-elle seulement un langage des émotions ? Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus et sur le film Tous les matins du monde.

Document 1: L'Accompagnatrice, Nina Berberova, 1985 

Puis elle chanta, elle chanta...
    Je sais, il y a des gens qui n’admettent pas le chant: une personne prend la pose, ouvre la bouche toute grande d' une façon naturelle ‑ et alors c'est laid, ou d'une façon étudiée ‑ et alors c'est grotesque, et, tout en s'efforçant de conserver sur le visage une expression d'aisance, d'inspiration et de pudeur, crie (ou rugit) longuement des paroles dont l'agencement n'est pas toujours réussi et qui sont, parfois, accélérées sans aucune raison, ou bien découpées en morceaux, comme pour une charade, ou encore répétées plusieurs fois de façon inepte.
    Mais lorsque, après une aspiration (nullement affectée, mais aussi simple que lorsque nous aspirons l'air des montagnes à la fenêtre d'un wagon), elle entrouvrit ses lèvres fortes et belles, et qu'un son fort et puissant, plein jusqu'aux bords, retentit soudain au‑dessus de moi, je compris tout à coup que c'était justement cette chose immortelle et indiscutable qui serre le cœur et fait que le rêve d'avoir des ailes devient réalité pour l'être humain débarrassé soudain de toute sa pesanteur. Une espèce de joie dans les larmes me saisit. Mes doigts frémirent, égarés parmi les touches noires; craignant de la décevoir, dans les débuts, quant à mon application, je comptais en moi-même, mais je sentais qu'un spasme parcourait ma colonne vertébrale. C'était un soprano dramatique, avec les notes aiguës stables et merveilleuses, et les basses profondes et claires.
    --  Encore une fois, Sonetchka, dit-elle, et nous répétâmes l’air.
    Je ne me rappelle pas ce que c’était. Je crois que c’était l’air d’Elisabeth de Tannhaüser.
    Puis elle se reposa cinq minutes, caressa le chat, but une demi‑tasse de thé refroidi, me fit raconter N., mon enfance. Mais je n'avais rien à raconter. Mitenka, peut-être? Oh, non! Surtout pas Mitenka. Dieu merci, elle le connaît bien, son mari est le cousin germain de la mère de Mitenka. Pour avoir du talent, il en a, mais il lui arrive de ne pas pouvoir se rappeler son propre nom.
    Et de nouveau elle chanta, et moi, avec application, mais encore avec prudence et timidité, je l'accompagnais dans ce miracle qui rappelait l'envol et le vol, et il y avait des moments où, de nouveau, une aiguille entrait dans mon cœur et me transperçait tout entière. Plusieurs fois, elle s'interrompit, me donna des indications, me demanda de recommencer. Elle m'observait, elle m'écoutait. Etait‑elle contente de moi ?

1. De quelle manière le voix de la soprano est-elle décrite dans le texte ? Relevez les éléments positifs et négatifs qui s’y rapportent. Que met en avant cette opposition ?

2. Relevez dans le texte toutes les marques qui montrent que la narratrice est portée par la musique.

Document 2 : Le Baiser dans la nuque, Hugo Boris, 2005

     

   Elle a un sourire un peu plus appuyé que d'habitude, qui trahit sa timidité nouvelle.

          Ils se sentent un peu maladroits, confus, comme deux amis réconciliés qui viennent de se retrouver. 

          La neige a recouvert le jardin, la pièce baigne dans une flaque de lumière blanche, un peu laiteuse. En entrant, tout lui paraît bouleversé comme si elle n'était pas venue depuis une éternité. Louis a simplement basculé le piano à la perpendiculaire du mur. L'instrument dévoile la peau fragile de son dos, une mince paroi en bois clair. La table d'harmonie* est à nu, une planche taillée dans un épicéa de Hongrie, traversée de barres diagonales en bois massif.

          Pour la première fois, elle le voit s'installer au clavier.

          Il se sent sûr de lui. Elle s'en est allée, lui est revenue, c'est qu'elle ne repartira plus.

         Il l'invite à faire le tour. Il est venu la chercher par la peau des fesses à la maternité, elle n'a plus qu'à obéir, préfère se laisser faire, intriguée par cet homme qu'elle ne connaît décidément pas. Elle contourne l'instrument et disparaît derrière.

          " Retire tes appareils."

          Les deux contours glissent dans sa main, qu'elle vide sur le sommet du piano. Elle pose ses doigts à plat sur le bois : il est tiède.

          Louis, d'un geste sûr, fait résonner l'instrument.

          Elle se sent d'abord aussi indiscrète que derrière une porte, à écouter une conversation personnelle. Elle écoute avec ses mains, mais l'indiscrétion n'est pas moindre. Les vibrations irradient ses doigts, franchissent le poignet, remontent doucement jusqu'au coude, passent, affaiblies, dans l'épaule, viennent mourir dans sa poitrine. Elle sent parfaitement dans ses mains quand le piano s'exclame, ralentit, s'adoucit, ou, au contraire, prend une voix sentencieuse. Elle fait glisser ses paumes sur la planche, dans l'intervalle oblique des barres de table. Les frémissements du bois parlent un langage qui n'est pas aussi articulé que celui du clavier, mais qui ont sa logique. Elle a l'impression diffuse de pouvoir toucher la musique - et la vague impression de toucher Louis, mais chasse vite cette pensée. Pour elle, la musique deviendra bientôt cela : un fourmillement dans les doigts, vivant, fragile. Cette pensée l'apaise. Sourde, il lui restera ça, une main qui console.

          Ses paumes lui disent que Louis s'est arrêté de jouer. Il se lève et lui sourit en faisant un signe de tête qui veut dire : à ton tour.

 1. relevez les verbes de perception dans le texte. Quels sens désignent-ils principalement ? Pourquoi ?

2. « . Les frémissements du bois parlent un langage qui n'est pas aussi articulé que celui du clavier, mais qui ont sa logique »Selon vous, en quoi la musique est-elle une manière de communiquer qui a sa propre logique, différente de celle du langage ?

*La table d'harmonie est la partie de l'instrument de musique à cordes qui reçoit la vibration à amplifier, le plus souvent au travers du chevalet.

Document 3 : Confiteor, Jaume Cabré, 2013

 

          C'était le milieu de l'après-midi; la mère Trullols était avec un groupe d'élèves qui n'en finissaient pas et moi j'attendais. Un garçon plus grand s'assit à côté de moi; il avait déjà un peu de duvet sur la lèvre supérieure et quelques poils aux jambes. Bon, il était beaucoup plus grand. Il tenait son violon comme s'il voulait l'embrasser et regardait devant lui pour ne pas me regarder, et Adrià lui dit salut.

" Salut, répondit Bernat, sans le regarder.

- Tu es avec la mère Trullols ?

- Moui.

- Première année ? 

- Troisième.

- Moi aussi. On sera ensemble. Tu me laisses voir ton violon ?"

          À cette époque, grâce à papa, j'aimais presque davantage l'objet que le son qu'on en tirait. Mais Bernat me regarda avec méfiance. J'ai cru un instant que Bernat  avait un Guarnerius et qu'il ne voulait pas le montrer. Mais quand j'ouvris mon étui et lui montrai mon violon d'étude, d'un rouge très sombre, mais qui avait un son très conventionnel, il en fit autant avec le sien. J'imitai l'attitude de monsieur Berenguer : 

          " Français, début du siècle. - Et, en le regardant dans les yeux : De ceux qui étaient dédiés à Madame d'Angoulême.

- Comment tu sais ça ?" Bernat, touché, perplexe, la bouche ouverte.

          Depuis ce jour, Bernat m'admira. Pour la raison la plus stupide qui soit : il n'est pas très difficile de se souvenir des objets et de savoir les évaluer et les classer. Il suffit d'avoir un père fou de ce genre de choses.

" Comment tu sais ça, dis ?

- Le vernis, la forme, l'allure...

- Tous les violons sont pareils.

- Que tu crois. Chaque violon est une histoire. À chaque violon, tu dois ajouter, outre le luthier qui l'a créé, tous les violonistes qui en ont joué. Ce violon n'est pas à toi.

- Un peu qu'il est à moi !

- Non. C'est le contraire. Tu vas voir."

          Papa me l'avait dit un jour avec le Storioni dans les mains. Il me le tendit avec une certaine hésitation et dit, sans bien savoir ce qu'il disait, fais attention, c'est un objet unique au monde. Dans mes mains, le Storioni semblait vivant. J'eus l'impression de percevoir un battement doux et intime. Et papa, les yeux brillants, me disait dis-toi que ce violon a vécu des histoires que nous ne connaissons pas, qu'il a résonné dans des salons et des demeures que nous ne connaîtrons jamais et qu'il a vécu toutes les joies et toutes les douleurs des violonistes qui en ont joué. Les conversations qu'il a dû entendre, la musique qu'il a dû vivre... Je suis sûr qu'il pourrait nous raconter des quantités d'histoires tendres, finit-il par dire, avec une dose extraordinaire de cynisme, que je ne pouvais percevoir en ce temps-là.

" Laisse-moi en jouer, papa.

- Non. Pas avant que tu aies fini la huitième année de violon. Alors il sera à toi. Tu m'entends ? À toi."

          Je jure que le Storioni, en entendant ces mots, eut un battement plus fort que les autres. J'étais incapable de savoir si v'était de joie ou de peine.

" Et tu vois... Comment dire. Tu vois, c'est un être vivant, qui a même un nom propre, comme toi et moi."

          Adrià regarda son père avec un peu de recul, comme s'il essayait de déterminer s'il se fichait de lui.

" Un nom propre ?

- Oui.

- Et comment il s'appelle ?

- Vial.

- Et qu'est-ce que ça veut dire, Vial ?

- Qu'est-ce que ça veut dire Adrià ?

- Ben... Hadriani est le nom de la famille romaine qui provenait d'Hadria, sur les rives de l'Adriatique.

- Ce n'est pas ce que je veux dire, crénom de nom.

- Tu m'as demandé ce que ça voulait dire.

- Oui, oui, oui... Donc le violon s'appelle Vial un point c'est tout.

- Mais pourquoi est-ce qu'il s'appelle Vial ? 

- Tu sais ce que j'ai appris, mon fils ?"

          Adrià le regarda, déçu parce qu'il éludait la question, parce qu'il ne connaissait pas la réponse et ne voulait pas le reconnaître. Il était humain et il le cachait.

" Qu'est-ce que tu as appris?

- Que ce violon n'est pas à moi, que c'est moi qui suis à lui. Je suis une des nombreuses personnes qui l'ont eu. Tout au long de sa vie, ce Storioni a eu différents instrumentistes à son service. Et aujourd'hui il est à moi, mais je ne peux que le contempler. C'est pourquoi je souhaitais que tu apprennes à jouer du violon et que tu continues la longue chaîne de la vie de cet instrument. Rien que pour ça, tu dois apprendre le violon. Rien que pour ça, Adrià. Il n'est pas nécessaire que tu aimes la musique."

1. « Qu’est-ce que tu as appris ? – Que ce violon n’est pas à moi que c’est moi qui suis à lui ». Expliquez ce lien affectif tissé entre le musicien et son instrument.

 

Document 4 : Mouvement perpétuel, Renaud Capuçon, 2020

 

          J'étais le plus jeune de l'orchestre et j'occupais une place au dernier pupitre des seconds violons. J'allais là-bas avec la soif de découvrir autre chose que les Caprices de Paganini et des concertos. Nous avions au programme la neuvième de Beethoven, le troisième concerto de Prokofiev avec la pianiste Martha Argerich et la onzième symphonie de Chostakovitch dirigée par M. Rostropovitch. Et encore le War Requiem de Britten. Lors d'un concert à Amsterdam, dans la sublime salle de Concertgebouw, que je découvrais, j'allais vivre un moment unique. Presque mystique. Nous jouions la neuvième symphonie de Berthoven quand tout à coup, au milieu du moment lent, j'eus l'impression de m'élever physiquement : je volais. Je regardai à cet instant même mon voisin de pupitre tout en continuant de jouer. C'était un mélange de paix totale, de sérénité, d'élévation. Un moment de grâce. Nous volions en musique.

          Giulini a été le magicien de cet instant suspendu entre temps et musique. Il m'a permis de transcender les notes, pour n'être que dans la musique. En sortant de la scène, je demandai à mon voisin de pupitre : "Quand on s'est regardés, tu as aussi eu l'impression de décoller ? de t'envoler ?" Il me dit avoir ressenti la même chose. Ce jour-là à Amsterdam, j'avais vécu grâce à Giulini le premier grand choc musical de ma vie. Celui qui allait désormais conduire mon existence de musicien de manière radicalement différente de celle que j'avais pensé mener.

          Avant Giulini et Beethoven, je voulais être violoniste. Désormais, je voulais être musicien avant tout. Et violoniste, bien évidemment. Mais musicien d'abord.

1. Repérez dans le texte les expressions qui apparentent la musique à un voyage intérieur et à une quête mystique.

Questions sur tous les textes :

Quelles sont les différentes émotions évoquées dans ces textes, quelle en est la source précisément ?

 

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