Les registres

Tableau récapitulatif proposé par Mme Cherrière

Registres

Emotions et thèmes mis en jeu

Principaux procédés

comique

Faire sourire ou rire, amuser, souvent dans un but critique (caricature).

 

- les procédés de répétition

- les effets de contraste et de décalage

- le comique de geste

- le comique de mots (jeu sur les niveaux de langage), l’absurde

satirique

Rire et moquerie. Portrait caricatural, description d’une époque mettant en évidence ses défauts.

 

- il a pour but de se railler, de se moquer d’un type de personne ou d’une institution.

- vocabulaire réaliste et familier, parfois péjoratif.

- la caricature

- les formules ironiques

ironique

Raillerie, critique au second degré qui rend le lecteur complice.

 

- l’antiphrase

- elle permet de dénoncer quelque chose en laissant comprendre le contraire de ce qui est effectivement dit

tragique

Sentiment de la fatalité, du destin. Présence de la mort, absence d’issue. Souffrance et déchirement moral. Sentiment d’impuissance face à la catastrophe.

- vocabulaire soutenu

- interrogatives et exclamatives exprimant la détresse du héros face au destin implacable

- champs lexicaux de la fatalité et de la liberté, de la faute, de la séparation, de l’amour et de la mort…

pathétique

La pitié, la compassion.

- vocabulaire du sentiment et de la douleur

- priorité est donnée aux scènes déchirantes (un enfant qu’on sépare de sa mère)

- phrases expressives (exclamatives etc)

- comparaisons et métaphores

lyrique

Emotions liée à l’amour, la mélancolie, la nostalgie, la communion avec la nature, le temps qui passe, l’infini…

On y trouve les sentiments intimes et personnels de l’auteur ou du locuteur et

ceux-ci nous touchent en raison de leur portée universelle.

- emploi de la première personne

- vocabulaire du sentiment

- phrases expressives

- figures d’insistance (hyperbole, gradation, anaphore)

épique

Célébration des prouesses et des exploits accomplis par des héros. Le but est de susciter l’admiration, l’étonnement et l’effroi. Personnages assimilés à des héros de combat.

- vocabulaire guerrier

- vocabulaire valorisant

- figures d’amplification (hyperboles, gradations)

didactique

Instruire, informer le lecteur. Enseigner, faire comprendre.

- vocabulaire technique

- connecteurs logiques

- outils du texte explicatif (définitions, exemples)

-impératif

polémique

Argumentation agressive qui a pour but de persuader le lecteur. Fait appel à l’indignation voire à la révolte.

- vocabulaire opposant des valeurs morales positives (le bien, la beauté, la liberté) aux valeurs de la dépravation (vocabulaire péjoratif).

- constructions expressives

- ironie, antithèse, hyperbole

- interpellation directe de l’interlocuteur ou du lecteur

fantastique

Suscite l’inquiétude devant un phénomène étrange et inexplicable.

- vocabulaire de l’étrangeté         - cadre spatiotemporel inquiétant (nuit,cimetières,

- champ lexical de la peur               châteaux, paysage de landes etc)         

- expression de l’incertitude

réaliste

A ne pas confondre avec le mouvement littéraire du même nom. A pour but de produire de créer un effet de réel. Thèmes : activités quotidiennes, événements familiaux, le corps, les milieux sociaux, détail vrai, objets banals, échec, vie simple.

- vocabulaire technique et parfois en relation avec la catégorie sociale des personnages donc pouvant être familier + vocabulaire du corps

- syntaxe simple

LES REGISTRES LITTERAIRES

 

L'ironie

 

L’IRONIE

Définition générale

Fonction en général de l’ironie : c’est un moyen de décrédibiliser une idée pour l’attaquer, la remettre en cause en se moquant d’elle. . Etymologie : vient du grec « Eironeia » : interrogation. C’est l’action d’interroger en feignant l’ignorance.

Le mot « ironie » est rare avant le XVIème siècle. Elle désigne d’abord une forme de raillerie qui consiste à dire le contraire de ce que l’on veut faire entendre. De manière figurée, l’ironie désigne une moquerie qui semble insultante (voir l’expression « ironie du sort », apparue en 1810)

Elle fonctionne sur une complicité entre l’énonciateur et le récepteur (d’où l’importance de connaître ce qu’il y a hors texte)

Il faut trois « actants » : un énonciateur – une cible- un destinataire.

Comme il faut trois « actants » : il y a un fonctionnement polyphonique dans l’ironie. C’est-à-dire qu’on entend plusieurs voix (la voix de l’énonciateur –le 1er degré-, la voix d’un narrateur qui donne son avis –souvent un avis qui rejoint celui de l’auteur-)

Exemple : Voltaire utilise la figure d’un ingénu (Candide !!) : on adopte son point de vue mais l’énonciateur n’est pas Candide (voir chapitre I « Je crois » : narrateur extérieur à l’histoire, qui la rapporte en général en utilisant la focalisation interne (on voit à travers les yeux de Candide))

Les figures de l’ironie:

Figures :

  • d’atténuation et-ou d’amplification : litotes, euphémismes, tournures emphatiques, hyperboles ex : « rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées »
  • d’opposition : oxymores ex : «  boucherie héroïque », antiphrases

de substitution : périphrases ( phrases qui signifient exactement l’inverse) ex : le fils du baron était aussi intelligent que son père.

  • d’analogie : métaphores ou comparaison
  • Utilisation de raisonnements absurdes  ex : « les nez ont été faits pour porter des lunettes ; aussi avons-nous des lunettes »
  • Des effets de décalage ( ce qui crée le rire)

L’ironie est : une arme offensive, pour le combat de la Raison contre ce qui la freine, la gêne etc. Le style de Voltaire : a une double visée agressive dans Candide :

• contre le système de Pangloss (et Leibniz, évidemment)

• contre les atrocités (la guerre, l’intolérance religieuse, l’esclavagisme etc.)

 

 

 

Exercices

Quel est le sens de chaque phrase ?

1. « Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin » *

1.Le baron possède une meute de chiens pour la chasse à cour.

2.Le baron est si pauvre qu’il est obligé de prendre les chiens de ses basses-cours pour constituer une meute quand il veut aller à la chasse.

3.Le baron ne possède aucun chien.

 

2. « Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. »

 

1.Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie. Il était très riche 2.Monsieur le baron était le moins puissant des seigneurs parce qu’il avait des portes et des fenêtres comme tout le monde.

3.Monsieur le baron était le seul à avoir des portes et des fenêtres dans la région.

 

3 « Sa grande salle même était ornée d’une tapisserie »

 

1.Le baron avait de la chance d’avoir une salle

2.Le baron était pauvre car sa salle n’était ornée que d’une tapisserie

3.Les seigneurs puissants ont de nombreuses tapisseries

 

4.« ses palefreniers étaient ses piqueurs. »

 

1.Le baron n’a pas besoin de piqueurs car il ne chasse jamais.

2.Le baron est très riche. Il a des palefreniers pour s’occuper de ses chevaux et des piqueurs pour la chasse

3.Le baron pour la chasse doit utiliser ses palefreniers comme piqueurs quand il veut chasser.

5. « le vicaire du village était son grand aumônier »

1.Le baron n’a pas les moyens financiers d’avoir un aumônier au château.

2.Le vicaire du village prétend être le grand aumônier du baron.

3.Un grand aumônier dit les messes dans son château

6. « Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s’attirait par là une très grande considération »

1.Madame la baronne était si grosse que personne n’osait l’approcher

2.Madame la baronne était si belle que tout le monde la regardait.

3.Madame la baronne était si grosse que tout le monde l’examinait avec attention

 

 

 

 

 

De l'horrible danger de la lecture

Nous Joussouf-Chéribi, par la grâce de Dieu mouphti du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction.

Comme ainsi soit que Saïd-Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime-Porte vers un petit État nommé Frankrom, situé entre l’Espagne et l’Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l’imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis et imans de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l’esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser ladite infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées.

1° Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.

2° Il est à craindre que, parmi les livres apportés d’Occident, il ne s’en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu’à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d’âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine.

3° Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d’histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.

4° Il se pourrait, dans la suite des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance.

5° Ils pourraient, en augmentant le respect qu’ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu’il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de la Mecque, au grand détriment du salut des âmes.

6° Il arriverait sans doute qu’à force de lire les auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir, nous serions assez malheureux pour nous garantir de la peste, ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence.

A ces causes et autres, pour l’édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s’instruire, nous défendons aux pères et aux mères d’enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité quiconque aurait prononcé quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l’ancien usage de la Sublime-Porte.

Et pour empêcher qu’il n’entre quelque pensée en contrebande dans la sacrée ville impériale, commettons spécialement le premier médecin de Sa Hautesse, né dans un marais de l’Occident septentrional; lequel médecin, ayant déjà tué quatre personnes augustes de la famille ottomane, est intéressé plus que personne à prévenir toute introduction de connaissances dans le pays; lui donnons pouvoir, par ces présentes, de faire saisir toute idée qui se présenterait par écrit ou de bouche aux portes de la ville, et nous amener ladite idée pieds et poings liés, pour lui être infligé par nous tel châtiment qu’il nous plaira.

Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l’an 1143 de l’hégire.

Voltaire, 1765

QUESTIONS

Quels sont les différents interdits formulés par cette ordonnance du tyran ?
Relevez des exemples d’antiphrases et commentez-les.
Relevez les absurdités, les incohérences qui soulignent la distance ironique de Voltaire par rapport à ce qu’il écrit.


Ecriture.

Rédigez une courte ordonnance ironique dénonçant « les horribles dangers » de la musique.
 

 

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